Besoin de toi (1)

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Emilie

Samedi 9 février 2019

Calais (France), dans la maison d'Isabelle.

Si le goût de mon propre sang n'était pas aussi prononcé, rien qu'en humectant mes lèvres, peut-être que j'aurais réussi à faire l'impasse sur ce qui vient de se passer.

L'incompréhension, toujours autant de distance qui ne cesse de me broyer le cœur, je ne parviens pas à mettre les mots sur ce que je ressens véritablement.

Et ce que j'ai pu entrevoir dans son regard, principalement !

Une pincée de chagrin, une quantité abondante de colère, soupoudrée d'un désespoir qui peut en abattre plus d'un. Mais je crois que ce qui m'a le plus ébranlée est cette passion, cette ferveur qui a enflammé son regard, puisque dans l'instant d'après, il m'a embrassée avec une terrible appétence. Sa bouche contre la mienne, ses mains empoignant durement mes fesses, je n'ai même pas pu le repousser avec hargne. Cette idée ne m'a pas une seule fois traversée l'esprit, tellement j'étais ébahie. Et alors que mon âme comprenait peu à peu ce qu'il se passait, mon corps s'est laissé faire dévorer, et ce avec grand plaisir. Et je ne saurais dire ce qu'est le pire : ne pas avoir pensé à Matthieu dans tout ça ? Ou avoir éprouvé un désir grandissant à mesure qu'il m'embrassait avec fougue, et d'avoir ressenti une envie de sexe lorsque j'ai senti son érection se frotter contre mon ventre ?

Merde, merde, merde ! Ça ne va pas du tout, ça !

Je me le demande encore : qu'est-ce qui vient de se passer ? Pourquoi s'est-il jeté sur moi, aussi soudainement que cela, alors que je n'ai montré aucun signe à son égard ?

Tu sais pourquoi. Tu refuses seulement de l'admettre...

Savoir que Maxim me désire est une chose, le ressentir, comme tout à l'heure, en est une autre. Je me doute qu'il a vraisemblablement perdu le contrôle, il était même complètement paumé quand je suis allée le retrouver. L'idée qu'il puisse me sauter dessus ne m'a une seule fois passée par la tête, surtout quand je suis allée le rejoindre dans l'optique de le stopper sur sa route. Mais il était perdu, à fleur de peau, au bord du précipice. S'il m'a embrassée avec autant de véhémence, c'est sûrement parce qu'il a extériorisé, sans le faire exprès, son tourment par n'importe quel moyen que ce soit. Et que malheureusement pour moi, j'étais en travers de son chemin et j'ai pris de plein fouet toute cette haine, toute cette souffrance qui se trouvaient à l'intérieur de lui, tandis qu'il essayait, plus que tout au monde, de s'accrocher à la réalité. Soit en l'occurrence, à travers moi.

Est-ce que tout ceci était bien réel ? Est-ce qu'il éprouve plus que du désir pour moi ?

Ce geste aussi bien désespéré que perdu a réveillé quelque chose en moi. Une chose qui m'effraie, un sentiment plus fort que je n'ai jamais pu ressentir auparavant, même avec lui avant aujourd'hui. Une émotion plus puissante, plus vibrante qu'une simple adoration, qui fait bondir le cœur, bouger les entrailles et trembler les membres un à un, et ça tourne presque à l'obsession. Comme en ce moment même, où je ne cesse de repasser en boucle une scène que j'aurais pu rêver, il y a des mois de cela.

Bon sang, qu'est-ce qui m'arrive ?

Je n'arrête de me poser la question, pourtant au fond, je le sais : je suis toujours aussi amoureuse de lui. Mais ce sentiment, cette fougue qui m'a saisie quand il m'a attrapée avant de poser sa bouche sur la mienne, c'est différent de ce que j'ai pu éprouver pour lui, autrefois. Et cette perception-là, je n'ai aucun contrôle là-dessus, même alors que je me sens affreusement coupable vis-à-vis de Matthieu. Parce que même si je l'aime, ça restera toujours moins fort que la passion que je subis pour Maxim.

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