Besoin de toi (2)

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La route a été un peu longue, en raison d'un léger accident sur le trafic qui a ralenti toute la circulation. Au lieu d'une heure et demie de trajet habituel, nous avons passés plus de deux heures dans la voiture, à rouspéter contre les conducteurs, trop curieux, qui bloquent l'autoroute pour pouvoir observer le véhicule accidenté. Alors quand je suis enfin sortie de l'auto, garée à quelques pas de l'immeuble, j'ai tout de suite ressenti les effets désagréables qu'occasionne une position trop longtemps assise. Les fesses endormies essentiellement, mais aussi les cuisses douloureuses, les mollets en coton et le bas du dos courbaturé. C'est donc dans cet état d'engourdissement que j'arpente le pallier du sixième étage aux côtés de mes amis.

Tous aussi éreintés que moi, ils entrent dans le logement dans des pas plutôt lents, leur arrachant quelques grimaces de douleur. Raffael et Chrystal avancent dans le séjour pour se débarrasser de leur manteau et Max reste dans le couloir, l'air un peu perdu. Je ferme la porte dans mon dos, en lui jetant un petit coup d'œil et quand je le vois se frotter les yeux pour la énième fois de la journée, je lui propose :

— Tu devrais aller te coucher avant que tu ne te serves du paillasson comme matelas.

Son bras retombe le long de son flanc tandis qu'il me détaille de ses yeux atrocement rouges de fatigue.

— Il n'est que six heures, grogne-t-il dans sa barbe. Je ne vais pas me coucher à une heure pareille. Je ne suis pas un vieux papy.

C'est plus fort que moi, je soupire bruyamment.

— Quand t'es fatigué, tu deviens insupportable. Tu le sais, ça ?

Un autre grognement lui échappe. Ça se voit comme au nez au milieu de la figure qu'il est à deux doigts de s'effondrer sur le sol, tellement il n'a plus aucune énergie. Je n'attends pas d'approbation de sa part, je lui capture la main pour l'entrainer dans sa chambre.

— Tu vas aller te reposer dans ton lit bien douillet et si tu ne veux pas, je t'assomme avec ta guitare. Compris ?

Je le lâche pour me diriger vers la rangée de fenêtres sur ma droite et tire le rideau noir pour nous plonger dans l'obscurité. Je fais rapidement volte-face pour allumer la lampe de son bureau, et lorsque je me retourne vers lui, je remarque avec étonnement ce petit sourire qui s'est emparé de ses lèvres.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

— Rien. Je t'imagine seulement en train de m'assommer avec ma propre guitare, répond-t-il dans un haussement d'épaules.

Ma bouche s'ourle d'elle-même pour former un sourire. On s'observe quelques secondes, aussi amusé l'un que l'autre par ma réplique renfrognée, mais ce petit aparté ne dure que quelques instants, puisque je me souviens de la raison pour laquelle je suis venue ici, avec lui.

— Allez, tu te mets en pyjama et si tu n'arrives pas à trouver le sommeil, je te donne un médicament dans ma réserve secrète.

Il arque un sourcil, interloqué, mais il est trop fatigué pour saisir où est-ce que je veux en venir.

— Ta réserve secrète ?

— Oui, tu sais...la fameuse boîte que Raffael ne doit surtout pas toucher.

Il entrouvre les lèvres, comprenant dorénavant le fond de ma pensée, mais il secoue négativement la tête.

— Pas question que je touche à ça. Je n'ai pas besoin de...ça pour dormir.

Je croise les bras contre ma poitrine et le jauge de la tête aux pieds, voyant à quel point son regard ne dissimule aucunement ses propres tourments.

— Tu le crois vraiment, Max ? Parfois, on a beau se convaincre du contraire : les pensées ne nous laissent pas tranquilles, surtout les plus tenaces. Certains nous tiennent éveillés des heures et des heures, alors que notre corps n'espère qu'à pouvoir s'endormir. Mais si l'esprit est tourmenté, hanté par de mauvais songes alors le corps, lui, ne pourra jamais trouver un quelconque repos.

NOUS Envers et contre toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant