Comme une évidence (2)

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Main dans la main, je traverse le couloir hospitalier avec ma copine. Un énorme sac de transport suspendu sur mon épaule, je laisse mon regard s'échouer sur les nombreuses portes colorées. Je croise les yeux de Chrystal lors de notre déambulation, qui se met à grimacer en admirant les lieux de son côté. Je serre un peu plus fort ma prise sur elle alors qu'elle doit probablement songer à sa mère.

Cela va faire bientôt six mois que Denise nous a quittés. Chrys essaie de tenir le coup et de ne pas trop y penser. Sauf que je sais qu'elle y spécule constamment. Elle lui manque énormément, seulement ma danseuse garde le sourire quand elle la voit dans ses rêves. Et moi, je tente de rester le tout pour le tout auprès d'elle et la pousser à se battre, comme je l'ai promis à sa mère sur son lit d'hôpital.

Cependant, je me doute que l'endroit doit lui donner de très mauvais souvenirs, comme le mois dernier, où nous avons dû rendre visite à sa belle-sœur qui venait de mettre au monde ses adorables jumeaux. Sofiane était fou de joie malgré qu'ils soient nés un peu plus tôt que prévu. Il n'a même pas attendu que Chrystal rentre pour immédiatement lui demander si elle voulait devenir la marraine de sa fille, Adria. Elle a fondu en larmes et a accepté pour le plus grand bonheur de tous. Un grand rôle qu'elle va partager en compagnie de son frère Medhi. Quant à Aydan, le frère jumeaux d'Adria, Nael s'est vu convenir à la place de parrain aux côtés d'une de leur amie proche.

Un évènement qui nous a empli de joie, en dépit du fait qu'il manquait une présence essentielle pour combler cette bulle de bonheur. Le soir même, j'ai dû réconforter Chrystal qui s'était mise à pleurer. Sa mère ne connaîtra jamais ses petits-enfants et ça l'a fortement chagrinée. J'ai dû prendre mon mal en patience et la laisser s'apaiser d'elle-même en la cajolant comme je pouvais. Un épisode que j'aurais bien voulu effacer de ma mémoire, tellement je me sentais mal pour elle.

Je m'efforce donc d'enserrer ma poigne avant de décider de balancer mon bras sur ses épaules. Nos hanches se cognent un peu trop abruptement, mais ça a le don de la faire revenir auprès de moi.

— Ça va aller, mon cœur. Je suis là, ok ?

Elle m'offre un magnifique sourire puis opine du menton. Je claque un bisou sur sa tempe avant de repérer la chambre où mon meilleur ami séjourne depuis plusieurs jours. Je relâche ma petite-amie, puis toque deux fois à la porte. Une petite voix me dit d'entrer, ce que je fais aussitôt. Je pousse le battant et pénètre dans la pièce étouffante. Mes yeux explorent hâtivement les murs immaculés, l'accès menant à une salle d'eau, puis les sièges de couleur bleu foncé. Je redresse la tête pour scruter un peu plus loin et découvre que je ne suis pas le seul à lui rendre visite.

Enzo se lève de sa chaise en nous remarquant et me sourit, tandis qu'Owen se retourne vers nous, un sourcil levé. Maxim, quant à lui, est assis en indien sur son lit, la tête baissée vers ses pieds qui se touchent. Je tapote l'épaule de mon colocataire et pars à la rencontre de mon batteur. Celui-ci me prend direct dans ses bras pour me saluer et me chuchote à l'oreille.

— Il a mangé un peu tout à l'heure.

Je pousse un soupir soulagé. Depuis lundi, il ne voulait plus rien avaler, même pas un bout de pain. Ça me déleste d'un poids énorme d'apprendre qu'il a réussi à manger un morceau. C'est au moins un bon début.

— Ok, tant mieux.

Enzo me relâche dans un sourire pour ensuite se tourner vers Chrystal qui me talonne d'assez près. Je me pivote vers mon meilleur ami, qui plisse ses petits yeux à mon encontre. Il les frotte un peu trop brutalement puis m'étudie de nouveau sans rien dire.

Il a une mine épouvantable. S'il n'était pas aussi proche de moi, je crois que j'aurais un mal fou à le reconnaître. Il a maigri, beaucoup trop maigri à vrai dire. Bien qu'un début de barbe ombre ses joues, on remarque à quel point elles sont creusées, tout comme sa mâchoire qui me parait un peu plus aiguisée. Max a le teint atrocement blafard, des poches noires sous ses yeux clairs. D'ailleurs ces derniers sont striés de sang, ce qui lui donne un air épuisé. Ses cheveux noirs dépassent sa nuque et dissimulent délicatement le tatouage qui orne son cou. Il passe une main tremblante dans sa chevelure comme pour les placer à l'arrière durant sa contemplation et me laisse entrevoir une faible lueur dans ses prunelles lessivées.

NOUS Envers et contre toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant