Crise de nerfs (2)

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Installée sur la table ronde que j'ai réservée en priorité quelques minutes plus tôt, et ce bien avant que les garçons ne la repèrent, je me délecte d'ores et déjà du sandwich dégoulinant de mayonnaise qui trône en plein milieu de mon plateau. J'ai commandé les yeux fermés, écoutant mon estomac qui commençait à se tordre violemment sous cette faim dévorante. Je suis tellement affamée que je pourrais l'engloutir en quelques secondes, toutefois j'attends tout de même que mes amis me rejoignent avant d'entamer quoi que ce soit.

Maxim est le premier à me gagner. Il dépose brutalement son plateau en face de moi, les sourcils froncés. J'observe un instant son expression rembrunie, totalement déconcertée par son brusque changement d'attitude. Depuis que nous avons quitté le studio et qu'Enzo n'a pas voulu nous joindre au restaurant parce qu'il tenait absolument à voir sa copine, Max tire une tête de six pieds de long, comme s'il se sentait trahi par son abandon.

Pourtant, ce n'est pas lui qui nous a abandonnés, Raffael et moi, la semaine dernière pour une partie de jambe en l'air, non ?

Je ravale ma rancœur en le détaillant, les lèvres pincées. Je pressens son agacement, mais je devine surtout ses ressentiments envers Zoé, et ce que ça implique pour son groupe. Il s'inquiète pour la stabilité de leur quatuor, ce qui est normal en soi. Ce qui ne l'est pas, en revanche, c'est la raison pour laquelle il ne semble pas apprécier la petite amie du batteur, qui ne le quitte plus depuis environ six mois. Elle a toujours été adorable avec nous et très polie, je ne vois pas pourquoi Max la lorgne toujours d'un œil particulièrement mauvais puisqu'elle n'a jamais fait un pas de travers, que ce soit avec lui ou avec nous.

Il déballe son sandwich sous mes yeux d'un geste forcené. Il pousse un soupir exaspéré en remarquant que son hamburger ne ressemble pas à grand-chose puis il redresse la tête vers moi lorsqu'il sent que je le dévisage un peu trop longuement.

— Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ?

— Je ne sais pas, on dirait que tu es sur les nerfs, Maxim.

Il se renfrogne aussitôt, sa mâchoire tressaute dans son irritation. J'arrive à sentir sa mauvaise humeur avant qu'il ne me fusille du regard, comme si je n'avais pas à lui poser cette question.

— Ah ouais, tu crois ? me répond-t-il sèchement.

Sa réplique a le don de m'énerver encore plus. Je déteste quand il fait ça, quand il est tellement en colère qu'il faut qu'il se défoule automatiquement sur la première personne qui ne lui veut que du bien.

— Qu'est-ce que tu as, Max ? le questionné-je en haussant le ton. Tu étais de bonne humeur tout à l'heure et depuis que nous sommes partis du studio, tu fais la gueule et tu as même envoyé chier Raffael quand il t'a demandé ce que tu prenais en menu !

— Fous-moi la paix, Em, je ne suis pas d'humeur à discuter.

— Ok, très bien, c'est comme tu veux ! Mais ne viens pas te plaindre le jour où on ne supportera plus d'être ton bouc-émissaire et qu'on te tournera le dos.

Ce n'était peut-être pas la chose à dire puisqu'il se vexe immédiatement. Je me crispe sur ma banquette quand il empoigne fermement sa boisson, du liquide s'échappe légèrement de ce dernier au moment où il comprime son poing.

— Pourquoi est-ce que tu dis ça ? Tu veux m'abandonner, c'est ça ? Remarque, tu ne seras pas la première à me faire un coup pareil.

Mon cœur se serre, je reconnais la douleur dans sa voix. Je saisis directement l'origine de son emportement et même de sa plus grande crainte : celle de se retrouver seul. Mais comme tout un chacun le sait : la peur n'évite jamais le danger, et c'est en réagissant négativement à nos inquiétudes qu'on finit par tout faire foirer.

NOUS Envers et contre toutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant