Des notes de piano s'élèvent dans l'air, je ferme les yeux. Son souvenir apparaît près de moi, je me réfugie dans ses bras, elle est là, chaleureuse. Elle continue de jouer son morceau préféré, je l'écoute en souriant. La lumière du soleil éclaire la pièce rosée, je me sens bien, je ne veux pas partir de cet endroit. Les notes cessent de raisonner soudainement.
- Maman ? Maman ? Maman !
Pas de réponse, suis-je seule ? Je la vois s'éloigner de moi, son expression ne me rassure pas. Je cours pour la rattraper, mais je ne l'atteins pas, je n'y arrive pas. Les notes lointaines s'effacent au fur et à mesure de ma course, le silence fait face. J'appelle à l'aide, silence. Une route se trouve devant moi, je continue de courir en m'accrochant à la vision que j'ai d'elle, je ne veux pas me perdre dans ce calme étouffant, dans cette solitude froide.
Je me réveille en sueur une fois de plus dans une pièce qui m'est inconnue. Je me redresse du lit où je me trouve et regarde la chambre.
La pièce est assez grande, elle est meublée d'un lit double blanc, d'un petit bureau, d'une grande table et d'une grande armoire en bois. Des rideaux clairs sont ouverts permettant ainsi de faire entrer la douce lumière du soleil. Ce n'est pas la première fois que mes rêves se perdent entre la réalité et la fiction. Ma mère est une grande pianiste qui joue avec une élégance rare, le piano est devenu mon moyen d'échappatoire. Je l'imagine souvent jouer ses morceaux préférés en abordant une expression sérieuse sur son visage. Son souvenir m'aide à surmonter les moments compliqués, il m'aide à survivre. Pourtant cette fois-ci les notes, elles, sont bien réelles. La mélodie continue sa route, je ne rêve pas. J'enlève la lourde couverture blanche pour sortir du lit, mes pieds touchent le sol chaud. Je remarque alors que je ne porte plus la robe de la soirée, mais une petite chemise légère et flottante rose pâle. Ma cheville ne me fait pas trop mal et mon dos va mieux.
Il m'a soigné ?
Quel genre de criminel est-il ?Je sors de la chambre non verrouillée et pars à la recherche du pianiste. Les murs des couloirs du château sont habilités de grandes fenêtres laissant transparaître la magnifique forêt. Je m'attarde quelques instants devant la vue, l'automne est beau, les feuilles des arbres tombent, elles sont teintées de couleurs chaudes. Le soleil brille sans nuage, ses rayons réchauffent mon visage. Je ferme les yeux, la chaleur est douce, je souris. Je décide de continuer mon chemin pour découvrir le pianiste, la mélodie s'amplifie alors que je m'approche d'un grand escalier marron. Le souffle court, je m'arrête en haut des marches. Une main sur la rambarde, l'autre sur ma poitrine. Mes yeux parcourent la salle avant de s'arrêter sur le piano.
Aaron James.
Ses yeux sont fermés, son visage s'exprime avec la mélodie de son morceau. Je ne bouge pas, hypnotisée par le spectacle qui se déroule sous mes yeux, ses mains bougent avec délicatesse. Je connais ce morceau de piano par cœur, cet enchaînement de notes aiguës et graves. La beauté de Chopin "Nocturne no. 20", très émouvant. Le cours d'un instant bref, j'oublie où je suis. Seule, la mélodie issue du piano en marbre captive toute mon attention. Je me laisse glisser le long de la rambarde, la tête renversée en arrière, j'écoute le criminel jouer.
Ne cherchant pas à fuir, je me laisse transporter par l'histoire qu'il raconte. Il joue avec grâce en se laissant guider par ce qu'il ressent. Je remonte au temps où je jouais ce morceau avec mon professeur de piano, les doigts volants, les notes qui s'échappaient furtivement. Une beauté auditive, rare.
- Magnifique n'est-ce pas.
Sa voix retentit soudainement rompant ainsi le charme de la scène qui se déroulait sous mes yeux, je relève la tête et observe le criminel avancer dans ma direction. Je me redresse et établis une distance entre nous, il s'arrête. Je ne réponds pas, mon esprit est occupé à le détailler. Il porte un tee-shirt noir avec un pantalon de la même couleur. Ses cheveux ébène sont ébouriffés et ses yeux bleus sont lumineux.
- C'est surprenant venant d'un criminel.
Sa mâchoire se serre, ses muscles se contractent, un froid glacial s'empare de l'atmosphère. Je prends conscience que cette situation n'a rien de normal, jouer du piano ne le rend pas inoffensif, il reste un criminel. Je ne veux pas rester un instant de plus ici, je ne veux pas rester dans la même pièce que lui. Je m'éloigne des escaliers pour retrouver le long couloir. Mes pieds buttent contre le parquet somptueux orné de motif divers, j'ai froid. J'entends Aaron souffler avant de se mettre à ma poursuite, je sais qu'il va me rattraper, il connaît cet endroit comme sa poche. C'est immense, je me perds, je cours sans savoir où aller. J'arrive dans un autre couloir très lumineux, le sol est en marbre et le mur est décoré avec des grands tableaux. Je regarde à droite puis à gauche avant de courir vers la droite. Mes pieds nus martèlent le sol, je boite à cause de ma cheville. Un nouvel escalier s'ouvre face à moi, je descends les marches en sautillant avant de regarder la pièce où je me trouve. Il y a de grandes fenêtres espacées et de colonnes en marbre disposées de chaque côté. Le sol est légèrement teinté de rose et de blanc. J'avance au milieu de la pièce avec pour seul bruit celui de mes pas. Je suis terrifiée à l'idée de me retrouver avec lui, seule. La grandeur de cette pièce m'interpelle, il y a une grande bibliothèque blanche remplie de livres. Une table en bois clair est disposée en face d'une fenêtre. Dehors, le vent souffle, les feuilles volent dans tous les sens, le soleil a disparu, des nuages gris trônent à sa place. Les arbres se balancent en rythme désordonné, la tempête se lève.
Les battements de mon cœur s'accélèrent. Le temps se suspend dans l'air, un frisson parcourt mon corps.
- Impressionnant.
Je me retourne pour observer Aaron qui se tient sur les marches, sa beauté glaciale est intimidante. Il termine de descendre et avance dans ma direction. Je pars me réfugier vers les colonnes de marbre, la peur au ventre. Je serre les muscles de ma mâchoire, je ne veux pas être celle qui fuit, ai-je le choix ? Il continue d'avancer vers moi lentement, confiant. La pluie se met à tomber brusquement, je sursaute, l'orage gronde. Aaron s'arrête devant moi, je ne quitte pas la pluie des yeux, je n'ai pas envie de lui faire face. La pièce s'assombrit, seul le bruit du vent sur les carreaux résonne en harmonie avec ma respiration. J'ose le regarder dans les yeux, il me dévisage, il essaie de comprendre ce qui se passe dans ma tête. Mon dos percute une colonne, je suis coincée, il ne perd pas une seule seconde, il me bloque contre celle-ci. J'essaie de me dégager de son emprise, mais il emprisonne mes poignets avec ses mains tatouées. Il approche son visage près de mes oreilles, je tremble légèrement.
- Quand est-ce que tu arrêteras de me fuir ?
Mon regard s'attarde sur ses yeux, je lutte contre la peur qui grandit en moi. Je lui fais face, ma voix est étonnamment calme.
- Jamais.
Une lueur furtive traverse ses iris, elle est si rapide, je l'ai peut-être imaginé.
- Non, je te retrouverai toujours.
L'ambiance est tendue, l'orage gronde une nouvelle fois. J'essaie de me défaire de son emprise, il ne me lâche pas, je lève les yeux au ciel.
- Pourquoi moi ?
- Chaque chose en son temps, tu le découvriras quand je le déciderais, chérie.
Il rapproche son visage du miens avant de planter ses iris dans les miens, son regard me paralyse. Les nuances de bleu et de gris sont en harmonie, des tâches dorées s'éparpillent dans son regard. Il ne transmet aucune émotion, je n'arrive pas à le cerner.
- Cessez de m'appeler avec ce surnom ridicule.
Un rire s'échappe de ses lèvres, il soupire. Mon répondant n'a pas l'air de le déranger, au contraire.
- Combien d'hommes avez -vous tué ?
Ma question semble le perturber, un court silence s'installe entre nous.
- J'ai tué sept hommes et j'en ai blessé une centaine.
- Pourquoi ?
- Pour mes affaires personnelles et pour toi.
Je ne comprends pas son aveu, il n'y a aucun rapport entre la mort de ces hommes et moi. C'est insensé, il n'éprouve aucune sensibilité envers les êtres humains. La colère commence à s'emparer de moi, je hais les hommes, je le déteste.
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Après toi [ réécriture]
RomanceQue feriez vous si le plus grand criminel était devant vous, son arme pointée sur votre cœur ?