Chapitre XIX PDV Aaron

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Dix minutes, cela fait dix minutes que j'attends trempé devant sa porte avec des vêtements  propres entre les mains. Dix minutes, que mes pensées s'emmêlent entre elles. Smith me déstabilise, je n'aime pas ça, le plan devait se passer autrement. Je n'aurai pas dû l'embrasser c'est un fait, mon désir a été plus fort que ma raison et je ne le regrette pas. Elle doit me détester, je ne suis pas son sauveur encore moins son prince charmant. Malgré mes tentatives, je n'arrive plus à être distant, ma carapace se dissipe au fur et à mesure qu'elle reste, je dois la relâcher. Je préfère travailler seul, je ne fais pas confiance aux hommes, mais pour Smith, c'est différent. Notre marché est simple, il me laisse tranquille et je lui confie Abby. Je n'ai pas hésité un seul instant. Je ne la connais pas, elle ne me connaît pas. Son sort m'est égal, je veux obtenir justice, elle va m'aider à réparer les erreurs de ce fumier.  Mon coéquipier voue une haine puissante pour William tout autant que moi.

Il  sait que j'ai enlevé la future femme de son fils Alexandre pour me venger, je ne suis pas près de confier la raison de cet enlèvement. C'est un événement que je redoute, à aucun moment, je me serais douté que j'allais m'attacher à ma prisonnière. Smith est courageuse, son passé ne la définit pas, elle se bat chaque jour pour vivre, elle m'impressionne. Elle me ressemble, ça me terrifie. Je n'ai plus le choix, nos chemins vont se séparer, mais si je suis bien certain d'une chose, je ne l'oublierais pas. Dans deux jours, je confierai Abby à cet homme, il nous reste deux jours. Sa sécurité est devenue une ma préoccupation principale, il m'a fait serment de la protéger et de veiller sur elle. Je ne veux qu'elle puisse dormir sans être réveillée par ses démons, loin de tous ces hommes cruels qui ont fait de sa vie un cauchemar. Je fais partie d'eux. Les dix minutes se sont transformées en trente, je frappe une fois, silence. Je l'appelle, silence. Je décide d'ouvrir la porte doucement, je rentre dans sa chambre sans faire un bruit. Elle dort sur les couvertures de son lit, elle porte mon t-shirt noir. Mon regard s'attarde sur son visage, elle est si belle, mon cœur se serre, je n'aime pas cette sensation.

Sa respiration est régulière, son sommeil est profond. Elle se tourne vers moi, les yeux clos. Le t-shirt remonte sur ses  cuisses laissant apercevoir une cicatrice fine qui parcourt  sa jambe. Je m'approche d'elle doucement, sa paume de main est relevée vers le ciel. Sa tête est penchée en arrière laissant son cou à découvert. Je soulève ses cheveux de sa nuque, ils glissent entre mes doigts. Je regarde sa cicatrice, un point rond. Je passe ma main dessus, un frisson parcourt son corps. Elle ne tiendra pas longtemps si William la retrouve. Je le sais, son sort devrait m'être égal, mais la réalité est différente. A chaque fois que mon regard se pose sur elle, je ressens le besoin de la protéger, je dois l'écarter du danger que représentent William et Alexandre. Autrefois, j'aurais fui de cette situation, mais aujourd'hui c'est différent, Smith est singulière, elle me rend fou. J'aimerais l'aider à vaincre ses démons, j'aimerais lui dire que c'est un chapitre qui se tourne et qu'elle peut souffler. La vérité est plus sombre, Smith brille, je me noie dans les ténèbres. Je ne laisserais pas mes démons l'approcher, je dois la laisser partir loin de moi. Je suis prisonnier dans ce rôle de criminel depuis ma naissance et ce jusqu'à ma mort, personne ne peut me sauver, même elle. Je secoue la tête en laissant retomber ses cheveux dans le vide, ce n'est pas dans mes habitudes de penser à ce genre de chose. Je me dirige vers la porte, frustré, ses yeux gris sur mon dos. Elle ne dormait pas. Je quitte la chambre en déposant le short et le t-shirt au pied de la porte. Je me réfugie dans un bureau, c'est ma pièce préférée du château. C'est mon prétexte pour fuir la réalité, quand mes pensées sont trop bruyantes, je les écris sur mon carnet. Je confie tout ce qui me traverse, toutes mes émotions, mes questions depuis mes quatorze ans. Je m'assois sur le siège fait en cuir, j'ouvre le tiroir de mon bureau marron foncé pour récupérer mon carnet noir et mon stylo plume. Cela faisait un petit moment que je ne l'avais pas ouvert,  un tas de souvenirs me reviennent en mémoire à la vue de certains mots. Smith, je devrais la détester, mais je n'y arrive plus. Sa façon de jouer du piano m'a marqué, elle joue avec ses tripes, elle déverse tout ce qu'elle ressent au moment présent. Elle ne se soucie plus de ce qui l'entoure, elle ose se montrer vulnérable à travers les mélodies qu'elle joue. Quand je l'ai vu jouer pour la première fois, j'ai ressenti des vibrations tout au fond de mon être, ça ne m'était pas arrivé depuis un long moment. Son sourire, son regard, ne me laissent pas indifférent. Je ne sais pas ce qui se passe dans ma tête en ce moment, je n'ai plus le contrôle, je déteste cette position, je me sens faible. Je préfère me retrouver seul dans ce grand château, elle l'a compris dès le deuxième jour. Nous avons tous les deux de grandes blessures à soigner, contrairement à elle, je préfère les mettre de côté pour ne pas y faire face. Derrière ma carapace, se cache un homme terrifié qui n'a pas eu une enfance heureuse, je prends conscience des répercussions aujourd'hui. Smith m'aide sans le savoir, elle devient ma faiblesse, je ne supporte pas qu'on lui fasse du mal. Elle a un don pour me faire vivre des émotions que j'avais enfouie, ces émotions qui me rendent vulnérable. Celles que je m'interdis d'éprouver, car j'ai peur d'elles. Mon esprit est confus, je ne sais plus ce que je veux. Je repose mon style plume, je contemple les mots que je viens de confier surpris par ma sincérité. Je ferme les yeux et je laisse un soupir s'échapper de mes lèvres, qu'est-ce que je dois faire à présent ?

Smith ne me laisse pas le temps de réfléchir, j'entends un bruit sourd résonner dans sa chambre. Je me lève en courant, mon arme à la main, la nervosité prend possession de mon corps. J'espère qu'elle n'a pas tenté de s'enfuir une nouvelle fois, il reste deux jours Smith. J'ai beau la mettre en garde, elle continue de jouer avec mes nerfs, c'est dangereux. Parfois, j'ai l'impression qu'elle oublie qui je suis réellement. Je me dirige vers sa chambre avant d'ouvrir la porte. Elle n'est pas là, sa fenêtre est ouverte. Je sors mon portable pour l'appeler. Il décroche au bout de la deuxième sonnerie.

- J'espère que tu as une bonne raison de me déranger.

-  Smith s'est échappée.

- J'arrive, rattrape là.

Je raccroche avant de sauter par-dessus la fenêtre à la poursuite de ses pas. Elle vient de mettre fin à notre rencontre, sans en avoir conscience. J'arrive chérie.

Après toi [ réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant