Chapitre XI

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La pluie martèle le carreau de la chambre en provoquant un bruit assourdissant, je suis éveillée, je n'arrive pas à fermer les yeux, la scène de la cave tourne en boucle dans ma tête. Aaron est allongé sur le canapé en face de moi. Le bruit de sa respiration résonne, elle est régulière. Je me redresse du lit pour l'observer discrètement, ses yeux sont fermés et ses paupières bougent, il rêve. Mes pieds touchent le carrelage brun foncé, gelé, mes pas sont silencieux. Je me rapproche de la fenêtre pour regarder la pluie tomber. Il ne doit être que huit heures du matin, le ciel est gris, la pluie danse dans l'air glacé. Les gouttes d'eau forment de minuscules cristaux volants, je les regarde flotter, tomber puis s'écraser à même le sol. J'observe mon reflet à travers la vitre, je ne suis plus la même qu'avant. William m'a arraché à ma famille à l'âge de mes vingt ans. Je courrais beaucoup, j'aimais lire, sortir avec mes amis. J'allais à la fac pour étudier la psychologie, j'aimais ma vie. J'étais musclée comme il fallait, mes cheveux bruns brillaient et mes yeux gris étaient lumineux. Il n'existait pas un seul jour sans mon sourire.

Mon reflet me revoit l'image d'une femme amaigrie avec des cernes sous ses yeux. Ses cheveux ont perdu toute trace de brillance et ses yeux sont éteints. Son visage est creusé et de nombreux bleus marquent ses bras. Cette femme ne sourit pas, elle est terrifiée. Je ne me reconnais pas en elle, je n'existe plus. Le reflet d'une autre personne se rajoute au mien, celle d'un homme imposant et froid. L'océan qui habite ses iris est tourné vers mon visage. Le silence accompagne cette étrange scène, seul le bruit de la pluie résonne dans la pièce. Je resserre mes bras autour de moi pour me réchauffer, il ne dit rien, il observe juste. Les secondes, les minutes passent sans que nous ne prononcions un mot et c'est mieux ainsi. Au bout d'un certain temps écoulé, sa voix ténébreuse finit par rompre le silence.

- Tu as dormi deux jours, je l'ai enterré après t'avoir ramené ici.

Je regarde son reflet, muette. Il continue son récit sans me quitter des yeux.

- Il est passé par la petite fenêtre en la cassant, tu n'as rien entendu car tu dormais. J'ai condamné la fenêtre, la cave est fermée à clef.

Nouveau silence, les gouttes de pluie s'agglutinent sur le bord du carreau. Le sifflement du vent est lourd, le paysage traduit une grande tristesse. Je baisse la tête, je regarde mes pieds.

- J'ai trouvé sur lui plusieurs plans du château, il avait préparé sa petite excursion. J'ai fouillé tous les alentours et je n'ai rien trouvé.

Je frissonne, aucun mot ne sort de mes lèvres. J'ai besoin d'être seule.

- Je suis désolé Smith.

Il recule loin de moi et sort de la chambre. Je continue de regarder la pluie, elle me calme. Je m'assois sur le sol froid, mon front se pose contre la vitre, je laisse mes larmes couler. Je passe mes bras autour de mes genoux, et je me laisse aller. Les souvenirs que j'avais enfouis au plus profond de mon être ressortent, je laisse mes émotions prendre le dessus, je ne veux plus rien garder pour moi. Alexandre me hante, j'ai peur de recroiser son chemin, de le revoir. Je ne peux pas fui indéfiniment loin de lui, je sais que je dois l'affronter. Un jour, quand je serais prête, je me vengerais, pour tout le mal qu'il m'a fait.

****

Aaron frappe à la porte avant d'entrer, il dépose de l'eau et de la nourriture à mes pieds. Il place une veste grise sur mes épaules avant de s'asseoir à côté de moi. Je le sens m'observer, il essaie de deviner mes pensées. La pluie cesse, doucement, le soleil apparaît, laissant sa lumière éclairer l'immense jardin, sans fin. Aaron pointe la nourriture d'un signe de tête.

- Je sais que tu n'as rien mangé, reprends des forces.

La honte s'empare de moi, il a vu la bouillie de nourriture que j'ai recrachée dans la cave. Je me tourne vers lui, les joues rougies.

Après toi [ réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant