Chapitre XXVI

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Un jour plus tard.

Depuis son départ, j'erre dans les pièces du château, mes pas me ramènent inévitablement près du piano. Dans cette grande pièce où l'écho est roi, je me perds dans le flot de mes pensées. Le sol est recouvert d'un carrelage rosé légèrement teinté de blanc, les murs sont de la même couleur, il n'y a pas de meuble hormis le piano blanc. Les grandes baies vitrées laissent entrer la lumière, elle caresse délicatement les touches colorées de noir et blanc. Je me rapproche du tabouret, après une brève hésitation, je m'assois. Je prends mon visage entre mes mains, un soupir s'échappe de ma bouche, solitaire. Je voudrais revenir en arrière, revenir au moment où nos chemins se sont croisés. Mes mains retombent sur les touches du piano, mon regard se porte sur la partition ouverte «  Waltz in C-sharp minor, Op. 64 No. 2 » de Chopin et Buniatishvili. C'est un morceau pour lequel je consacre beaucoup de temps. Je me redresse et laisse mes doigts se balader, ils connaissent par cœur le chemin de cette danse sonore. Les notes aiguës et graves résonnent en harmonie dans cette endroit beaucoup trop grand pour moi. La mélodie se propage rapidement, le silence n'est plus, chaque note percute mon être avec une triste douceur. La beauté du morceau ne forme plus qu'un tout avec ma douleur, encrée au plus profond de mon âme.

Mon père aimait me répéter que j'étais un tueur né, que je n'avais pas le droit d'être vulnérable. J'ai longtemps enfoui mes émotions, je n'ai jamais réussi à mettre des mots sur mes ressentis avant Smith. Grâce à la lecture et à la musique j'ai compris et j'ai avancé seul, vers ce qui me semblait être ce à quoi je prétendais. Smith est la preuve que mon père n'a pas réussi à me réduire à néant, aujourd'hui, j'éprouve ma tristesse, ma colère, ma joie, ma mélancolie. Je ne suis pas un dur à cuire ni une forte tête comme mon père l'espérait. Je ne suis pas né pour tuer, non.

La mélodie continue son chemin, je m'ouvre à elle. Mes mains volent en déchirant l'air, elle panse mes blessures, calme mes pensées incessantes. Au bout d'un certain temps, mes mains deviennent rouges et commencent à me faire mal. Je laisse ma douleur s'exprimer à travers les notes, je ferme les yeux, toutes mes émotions me submergent. Je suis singulier, je ne me confis que par l'intermédiaire du piano, je me sens en paix quand je joue. La dernière note résonne, la chaleur quitte la pièce, ma respiration est irrégulière. Mon regard se porte sur le ciel, j'espère qu'elle le voit aussi. Des images me reviennent en mémoire, ses lèvres sur les miennes, ses yeux déchiffrant les moindres détails de mes iris. Je veux la serrer à nouveau dans mes bras, m'excuser pour ce qui s'est passé, je veux la protéger. Je referme le couvercle et avance vers les escaliers. Ma chambre est plongée dans le noir, j'ouvre les rideaux pour faire entrer les rayons du soleil. Je retire mes habits et pars me doucher, l'eau froide remet mes idées en place. Je me sèche rapidement, je prends un pantalon noir, un t-shirt blanc à manches longues et je récupère un sweat à capuche noir.

J'enfile mon long manteau et mes chaussures noires, un bonnet et une écharpe pour cacher mon visage. Seuls mes yeux bleus sont visibles. Je quitte ma chambre pour retrouver mon bureau où se trouvent toutes mes armes préférées, je les connais par cœur. Je les regarde avec attention avant de me décider. Je choisis deux couteaux que je cache dans mes chaussures, un flingue que je dissimule à l'arrière de mon pantalon, un autre devant. Je me regarde dans le reflet de la vitre, mes cheveux noirs ébouriffés s'échappent de mon bonnet, mes yeux sont glacial. Je souris à mon reflet plutôt flatteur, je récupère les clefs de ma voiture et quitte le château pour retrouver William et Alexandre.

Attends-moi Smith, j'arrive.

Après toi [ réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant