Chapitre XXVIII

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Mon corps est pris de frisons, le monstre de mes cauchemars les plus sombres se tient devant moi. Il s'avance à ma hauteur, il pose une main sur mon visage, je lui crache dessus. Il secoue la tête, son regard vide se pose sur mon nez ensanglanté, un sourire apparaît sur ses lèvres.

-         Pourquoi tu es ici ?

Ma voix n'est qu'un triste chuchotement.

-         Pour toi, on se marie demain. Tu n'as pas encore vingt-cinq ans, je le sais, je ne veux plus attendre.

J'ouvre la bouche surprise, il n'a pas le droit. Ma vision commence à se flouter, sa présence réveille mes pires angoisses, je suis vulnérable à nouveau. Ma colère grandit, je suis furieuse. Ma lèvre supérieure se met à trembler, je mords mes joues pour ne pas exploser. Il s'approche de moi et enlève les liens qui me retiennent au siège, je me relève maladroitement. Il attrape mon bras, je le repousse loin de moi. Je passe ma main sur mon visage pour enlever le sang qui n'a pas arrêté de couler. La douleur n'est qu'éphémère, ce n'est rien comparé à l'homme qui se trouve devant moi, il réduit la distance qui nous sépare. Je suis terrifiée.

-         Tu as changé, Abby.

Sa main gauche agrippe ma nuque, je lâche un cri de douleur. Il prend mon bras avec son autre main et me force à avancer devant lui, il ouvre la porte. Il m'emmène dans les grands bureaux, tous ses hommes se tiennent en ligne de chaque côté. Ceux qui m'ont détruite sont tous présents, je maintiens les regards en leur adressant mon plus beau sourire, je ne dois pas leur montrer ma peur. Alexandre s'arrête devant une porte marronnée, il me pousse contre un mur puis, il part s'adresser à un de ses soldats.

-         Surveille-la, je dois parler à ton patron.

Il entre dans le bureau en claquant la porte violemment. Je suis immobile au milieu de tous ces dangereux soldats, ils sont tous appuyés contre les murs, leurs regards pointés sur moi. Je suis inquiète, je n'ai pas de plan B. Il y a un mouvement de foule, l'un d'entre eux s'avance vers moi, je ne l'ai jamais aperçu. Il ne ressemble en rien aux autres, sa façon de se mouvoir me donne une impression de déjà-vu. Son écharpe et son bonnet couvrent son visage, il dégage une aura mystérieuse et glaciale. Tous le suivent des yeux, des rires graves retentissent. Il fait un signe de tête au soldat chargé de me surveiller. Il lui chuchote des mots qui font rire l'homme d'Alexandre qui les répète à voix haute.

-         Il n'en a pas pour longtemps.

Ils sifflent, applaudissent cet homme sorti de nulle part. Il me soulève du sol et me porte sur son épaule gauche. Il m'entraîne dans un couloir vide, à l'abri des regards. J'essaie de fuir son emprise en lui donnant des coups de pied, mais il ne bouge pas. Il me plaque le long du mur sombre et attrape mes bras avec une de ses mains, son autre main se pose sur ma joue. Je ressens son souffle chaud sur ma peau, une vague de frissons parcourt mon être. Il approche ses lèvres de mon oreille, la chaleur de la paume de sa main brûle ma joue.

-         Tu m'as manqué chérie.

Je relève la tête surprise, mon corps se fige. Il enlève son bonnet et son écharpe, puis il libère mes bras, ses mains enveloppent mon visage avec une délicatesse rare. Avant que je ne puisse lui répondre, Aaron prend mes lèvres en otages avec les siennes. Son baiser est doux, j'en ai le vertige. J'enroule mes bras autour de son cou pour ne pas tomber, sa main droite se pose sur ma taille pour m'aider. Ses lèvres quittent les miennes, il ouvre les yeux. C'est à ce moment précis que je réalise qu'il m'avait manqué. L'océan de son regard est agité, je lis mille choses à la fois, le bleu de ses iris est profond, je veux m'y noyer à nouveau.

-         Tu m'as retrouvé.

Son sourire illumine son visage, je suis perdue entre ce que je ressens et ce que je devrais ressentir. Son bras gauche enveloppe mes épaules, je me réfugie contre son torse sans me soucier des conséquences de ce geste sur mes sentiments. Il resserre ses bras, je m'accroche ferment à lui les yeux clôt, sa voix grave résonne à nouveau.

-         Je te retrouverais toujours, tu m'appartiens Smith.

Un petit rire s'échappe de ma bouche, nous nous écartons, nos regards se perdent entre eux.

-         Alexandre a avancé le mariage Aaron, il veut m'épouser demain.

Il essuie la larme qui coule le long de ma joue, son geste provoque des milliers de fourmis dans mon corps. Il pose ses mains sur mon visage puis, il s'abaisse à ma hauteur.

-         Je serais là, je vais venir te chercher. Ils vont payer pour tout ce qu'ils t'ont fait, je te donne ma parole. Tiens encore quelques heures, c'est bientôt fini.

Je hoche la tête en laissant couler mes larmes, il pose son front contre le mien, ma respiration est irrégulière.

-         Je suis sincèrement désolé Smith.

Je souris, plus rien ne compte à présent, seul son regard retient mon attention. Il dit la vérité, je dois le laisser m'aider.

-         On en reparlera, James. Nous devons retourner là-bas avant qu'Alexandre ne sorte.

Il m'embrasse une dernière fois, le temps se suspend dans l'air, je ferme les yeux pour ressentir ce qu'il me transmet. Le temps d'un instant, j'oublie où je suis, je ne pense qu'à ses lèvres sur les miennes. La réalité me frappe aussitôt, Aaron remet son écharpe et son bonnet et il me ramène vers les soldats qui nous regardent en riant. Abrutis, il me relâche et disparaît dans la foule, Alexandre ressort peu de temps après. Une larme salée coule le long de ma joue sale, elle n'est pas liée à la tristesse, mais à l'espoir. Il est là près de moi, dans l'ombre de la lumière, il attend le bon moment pour venir me sauver. Je dois rester forte et redoubler mes efforts pour être prête lorsqu'il frappera.

Après toi [ réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant