Bagarre générale

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— J'ai l'impression d'être passée sous un camion, avoué-je en geignant.

Mes bras sont en compote et je me demande bien comment je peux encore marcher. Il m'a fallu un effort considérable pour hisser ma planche de surf dans le coffre de la voiture et même si la douleur de la piqure de méduse n'est plus aussi vive qu'il y a une heure, je peine à m'appuyer sur mon mollet droit.

— C'est le contre-coup. J'aimerais te dire qu'on s'habitue à la longue mais c'est pas le cas, répond Raph sans décrocher ses yeux de la route.

— Je considère que c'est ta faute, alors ! répliqué-je la voix piquante.

— Je t'ai pas forcé à venir, se contente de répliquer le brun avec un calme que seul un petit tour dans l'océan lui procure.

J'aimerais répliquer mais cette séance de surf a absorbé toute mon énergie et je me retrouve incapable de démentir. Plongée dans un silence qui ne ressemble ni à lui ni à moi, je concentre mon attention dans les paysages alentours. Il connaît la route par cœur, il l'a probablement parcourue des centaines de fois.

— Je parie que tes meilleurs souvenirs sont liés à El Matador, chuchoté-je.

Un instant, je crois qu'il ne m'a pas entendu tant ma voix est éteinte. Puis un large sourire germe sur ses lèvres. Alors j'ai vu juste. Mes doigts s'agitent et je me rends compte que j'attends sa réponse avec impatience.

— Certains, avoue-t-il doucement.

Et ses yeux se mettent à briller. Il revit ces moments dans sa tête, je le vois bien.

— Les journées à sécher les cours, les soirées feux de camps qu'on a pu faire, la fois où on a tenté de faire surfer à Erine. C'était épique ! Je crois que j'ai jamais autant rit de ma vie. Tu l'aurais vu, trempée, les joues écarlates, elle hurlait sur tout le monde et nous on était juste plié en deux.

Une partie de mon cœur se contracte à l'entente de ces souvenirs que je ne partage pas avec eux, avec lui, mais je sais qu'en se confiant à moi, il me les fait un peu vivre aussi. Je souris, je ne peux pas faire autrement.

— L'année dernière quand Maggie et Jake ont rompu, c'est ici que je l'ai amenée, continue Raphaël. Elle aime cet endroit autant que moi. Toute notre famille en fait. C'est notre spot à nous. Quand ils étaient jeunes ma mère et mon oncle y allaient déjà avec leurs potes. C'est un passage obligatoire chez les Lingherman. Il parait que c'est là-bas que mon oncle aurait trainé April pour leur deuxième rendez-vous, ma mère m'a déjà dit que c'est à cet instant précis qu'elle avait su qu'il l'épouserait. On n'est pas très religieux dans la famille, alors le passage à El Matador, c'est un peu notre baptême à nous.

— Donc, tu m'as baptisé, aujourd'hui ? demandé-je avec malice.

Raphaël laisse échapper un rire. Je jure le voir rougir, une demi-seconde seulement, mais c'était là et c'était à cause de moi.

— Tu étais déjà venue, je te signale, se ressaisit le brun.

Et je ne sais pas vraiment comment interpréter cette réponse.

— Est-ce que Maggie et Charlie surfent ? interrogé-je pour détourner la conversation de moi.

— Ce sont des Lingherman, ils n'ont pas eu d'autres choix, avoue Raph avec une autorité feinte.

— Je ne les ai encore jamais vu sur une planche, je rappelle.

— Disons qu'ils se débrouillent mais c'est pas vraiment leur truc.

Je n'ose pas esquisser le moindre geste, je retiens presque mon souffle, de peur que Raphaël ne cesse de parler. Le brun est tellement avare en confidences que je savoure l'instant plus que jamais.

AdrénalineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant