GABRIELLA
Mars 2023, New-Jersey
Je suis attachée à une chaise dos à dos avec Elisa lorsque j'ouvre finalement les yeux. Je risque une œillade autour de moi pour analyser l'endroit où l'on se trouve, mais je ne reconnais rien. Cela ressemble à une maison seulement, tout est saccagé. Autour de nous, règne le chaos. Des meubles sont renversés, les tiroirs vidés et les canapés dépouillés de leur mousse.
Si mon père n'était pas Il Luppo, je croirais à un simple kidnapping. Mais je prends vite conscience qu'il n'en est rien. Je prends vite conscience qu'une nouvelle fois, je suis séquestrée parce que mon père est qui il est.
Parce que Nate est qui il est.
Parce que je suis une cible facile.
Parce que m'atteindre, c'est toucher à la tête de La Meute.
Un homme de taille moyenne entre dans la pièce et me fait face. Il doit avoir l'âge de mon père et porte un bouc noir comme le charbon. Aucun poil gris ne vient éclairer l'obscurité de son menton.
En croisant son regard, je n'ai plus aucun doute sur qui il est. Le père d'Agatha se tient devant moi. Dans ses yeux, la même flamme brûle et ses arcades sourcilières aiguisées lui donnent ce même air revêche.
Il est rejoint par deux colosses qui doivent dépasser les deux mètres. Ils ne disent pas un mot, mais leur regard suffit à me donner froid dans le dos. Si l'inverse de chaleureux était une personne, ce seraient ces hommes qui pourraient créer de la glace en plein désert.
Je sens qu'Elisa s'agite dans mon dos et celui que je devine être le père d'Agatha marche pour se placer devant elle. D'où je suis, je ne le vois pas, mais j'entends ses pas se rapprocher de ma sœur et elle suffoque dans mon dos. Son souffle court m'indique qu'elle ne s'est jamais retrouvée dans une telle situation.
Pour ma part, je deviens professionnelle en la matière !
— Alors les voilà, les deux filles Solenza.
Sa voix est perçante et fluette, elle n'a rien de viril et tire dans les aigus. J'entends ses pas marteler le sol alors qu'il est toujours derrière moi.
— Je vous file depuis quelques jours, mais je ne pensais pas que les merveilles de Giovanni étaient si faciles à appréhender. Un jeu d'enfant !
Bâillonnée, il m'est impossible de répondre. Si je le pouvais, je l'insulterais de toutes mes forces.
Il ricane seul, comme un fou. Il fait toujours les cent pas et se retrouve devant moi, avançant un doigt rugueux vers ma peau avant de finir son geste dans une caresse sur la joue. La nausée me prend aux tripes et ce contact me fait frémir.
— Giovanni n'a jamais été un bavard, continue-t-il de sa voix criarde, il vous a toujours très bien cachées. En même temps, quand on voit de telles beautés, il vaut mieux vous garder bien au chaud. N'est-ce pas messieurs ?
Il se tourne vers ses chiens de garde qui esquissent un sourire menaçant. L'un d'eux se lèche les babines comme un vrai clébard et leur comportement de goujat me laisse penser qu'ils ne doivent pas être très intelligents. Ils n'ont jamais appris à traiter une femme, preuve de leur bêtise extrême.
Mes paupières sont closes et ma tête se vide de toute pensée. Il faut que je cloisonne mon esprit avant que mes ravisseurs ne tentent de s'y infiltrer. Ils nous tiennent, Elisa et moi, mais ce n'est pas nous qu'ils veulent. Ils cherchent mon père. Ils cherchent à atteindre Nate. Nous ne sommes que des dommages collatéraux.
— Ma petite Agatha a disparu depuis un moment maintenant. Un père sait quand son enfant est en danger. Un parent sent cela du plus profond de son âme, même à des kilomètres. Giovanni ne va pas tarder à ressentir cette chaleur lui brûler les entrailles, la même que j'ai ressentie il y a quelques semaines, juste après avoir vu Agatha pour la dernière fois.

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LA MEUTE
RomanceGabriella et Nate filent le parfait amour lorsqu'un jour, ce dernier disparaît mystérieusement des radars ne laissant qu'un simple post-it sur le réfrigérateur. Quatre ans plus tard, bien que Gabriella ait réalisé son rêve de devenir avocate, sa vie...