Chapitre 19

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Il avait hésité tout le reste de la journée à lui envoyer un message pour l'interroger, pour lui demander des comptes. Mais il ne l'avait pas fait. Il avait trop peur, et il avait trop mal aussi. Il n'écouta absolument rien de ses cours de l'après-midi, mais qui aurait pu l'en blâmer ?

Il était hermétique à tout, rien ne pouvait percer la bulle de douleur dans laquelle il se trouvait. Ses amies essayèrent de le dérider, mais il ne les entendait pas. Son cœur saignait, il était en pleine hémorragie affective.

A la fin de ses cours, il se rendit sans même s'en rendre compte devant la classe de Jimin, mais celle-ci était vide. Les lumières étaient éteintes, la porte était verrouillée et les chaises étaient retournées sur les tables. Dépité, il comprit que son petit-ami et Pablo avaient surement fini plus tôt, et qu'à l'heure qu'il était ils devaient être rentrés chez eux.

Ou pire. Être rentrés ensemble.

Encore pire, être rentrés ensemble et être actuellement en train de s'envoyer en l'air.

L'air lui manquait, son cœur était serré dans un étau violent qui le compressait et lui faisait mal. Ivre de douleur, il se précipita hors du lycée et se rua jusqu'à son immeuble. Son souffle était court et il avait mal en mollet quand il se jeta dans l'ascenseur. Les portes se fermaient avec une lenteur horripilante, alors pour soulager ses nerfs il appuya frénétiquement sur le bouton 8 jusqu'à se sentir soulevé de terre. Quand les portes se rouvrirent, il déboula dans le couloir comme une tornade et se précipita devant la porte des Park, dérapant sur le paillasson et manquant de se gaufrer en beauté. Mais rien, il n'avait aucun bruit qui lui parvenait de l'autre côté. Il n'y avait pas de lumière non plus sous la porte.

Un soupir soulagé passa la barrière de ses lèvres tandis qu'il collait son oreille contre le métal froid pour s'assurer de rien n'entendre. Seul un silence froid résonnait. Il martela ses lèvres avec ses dents et se recula pour se masser les yeux, dépité par lui-même et par le déchet qu'il était devenu depuis qu'il était devenu amoureux.

Il finit par retourner dans son appartement, mais une fois affalé sur son canapé avec un show-télé abrutissant en bruit de fond, une nouvelle inquiétude perça son cœur. Jimin et Pablo n'étaient pas chez les Park... Mais peut-être étaient-ils chez Pablo ? De nouveau, le stress fit battre son cœur plus vite, il se rongea les ongles et il oublia de manger. Il passa sa soirée dans le canapé, à guetter le moindre son qui parviendrait du couloir de l'immeuble. Mais encore une fois, il n'entendit que du silence, et il finit par sombrer dans un sommeil troublé vers deux heures du matin.


Le week-end entier fut une torture. Yoongi erra sans but dans l'appartement. Il n'avait plus de cigarette, mais il n'avait aucune envie de s'habiller et de descendre en acheter, alors le manque s'ajouta à la liste peu glorieuse des choses qui le rendaient fou actuellement.

Il s'ennuyait tellement qu'il avait même fait ses devoirs, préférant se remplir la tête d'intégrales, de fonctions et de vecteurs plutôt que de continuer à s'imaginer Jimin nu et gémissant sous le corps d'un autre homme. De nouveau, il ne mangea pas de toute la journée du vendredi. Il reçut des photos des certains de ses amis qui s'étaient greffés au groupe allant au parc d'attraction, mais il les regarda avec des yeux vides.

Les deux jours suivants, sa mère était là, n'étant pas de garde à l'hôpital pour ce week-end. Elle râla un peu en voyant l'état débraillé de son fils, mais elle arrêta bientôt quand elle se rendit compte que son poussin avait du vague à l'âme. Yoongi avait toujours été un enfant secret, mais là c'en devenait carrément suspect. Alors elle laissa tomber ses reproches typiquement maternels sur la longueur de ses cheveux, sur l'état de sa chambre ou sur le fait qu'il portait un survêtement à longueur de journée. A la place, elle lui prépara un délicieux repas, et elle l'appela à table le samedi soir, bien décidée à lui tirer les vers du nez.

Comme un zombie, il traina ses pieds jusqu'à la cuisine et il s'assit à sa place habituelle. Ses yeux brillèrent brièvement en apercevant le menu du soir et un pâle sourire prit place sur ses lèvres fines.

- Tu veux m'en parler ? demanda sa mère avec douceur en déposant devant lui un bol fumant de bouillon de poulet.

Pas de réponse. Elle se servit et s'assit à son tour.

Elle était prête à mettre sa main au feu qu'une fille était derrière tout ça...

- Je suis gay, Maman...

Ah bah non.

Elle le regarda avec surprise. Au bout de cinq secondes, elle reposa ses baguettes.

- Et tu avais peur de m'en parler ?

- Non. Mais tu n'as pas l'air si surprise que ça.

- Si, je le suis, avoua-t-elle sincèrement. C'est pour ça que tu es aussi déprimé ?

- Ouais en quelques sortes.

Yoongi baissa la tête. Sa mère lui laissa un peu de temps et sirota son bol de bouillon en attendant.

- En fait, je ne sais pas si je suis gay.

- Ah bah alors là, je ne sais plus quoi te dire ! répondit sa mère, perdue.

- Pour être honnête, j'avais jamais réfléchi à ça, mais j'ai rencontré un gars, et tout a changé avec lui... Mais je ne suis pas sûr que j'aimerais d'autres hommes à part lui...

- Jimin ? demanda sa mère, toujours avec la plus grande douceur.

Il acquiesça douloureusement tant ce nom résonnait en lui et bousculait tous ses organes.

- Il n'est pas gay ? C'est pour ça que tu déprimes ?

- Il est gay. On est ensemble depuis presque un an.

- Et tu ne m'avais rien dit avant ?? s'offusqua sa mère en reposant brusquement son bol sur la table.

Son fil ne répondit pas. Son regard était perdu dans le vague.

- C'était notre secret.

- Hey Yoongi, désolée je vais sonner comme une maman, mais en même temps je suis ta mère : gay ou pas, je t'en supplie, utilises des préservatifs ! Tu veux que je t'en achète ?

- T'inquiète pas pour ça. On se protège.

Sa mère retint ses questions qui lui brûlaient les lèvres quand elle comprit que son petit garçon était grand maintenant.

- Et qu'est-ce que Jimin a fait pour que tu sois dans cet état-là ?

- Je ne sais pas s'il m'aime. Il me l'a déjà dit plusieurs fois, mais jeudi il m'a menti, et ça me détruit. Je voulais passer le week-end avec lui. Il m'a dit qu'il ne pouvait pas, qu'il allait chez sa grand-mère. Mais ensuite, un nouvel élève a dit qu'il allait passer la journée avec lui.

- Et ce nouvel élève, il...

- C'est un connard de Chilien beau comme un dieu.

Sa mère n'essaya même pas de finir sa phrase. .

- Il faut que tu lui parles.

- Je l'ai envoyé chier pour une autre raison avant même d'apprendre son mensonge.

- Roh, Yoongi...

Elle leva les yeux au ciel, excédée par le comportement compliqué de son fils.

- Peu importe, il faut que tu lui parles.

- Je verrai.

Ils se turent et finirent de manger. Ensuite, sa mère se leva pour ranger les restes et laver la vaisselle. Yoongi se leva à son tour, puis il vint doucement se placer près de sa mère.

- Merci, Maman... Ca m'a fait du bien de te parler.

- Je t'en prie, Yoongi. N'oublie jamais que je suis là pour toi.

Elle ôta ses gants de vaisselle pour prendre son fils dans ses bras. D'habitude peu tactile, il se laissa faire et il finit même par lui rendre son étreinte.

Né du quotidien - YoonminOù les histoires vivent. Découvrez maintenant