La traque

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Numance - Hispanie, hiver 133 av JC


Trois mois se sont écoulés depuis lors, et à présent, les sept forts se dressent majestueusement autour de Numance. Scipion, avec sa stratégie implacable, répartit habilement ses hommes en plusieurs brigades tout en divisant également ses propres forces. Désignant des chefs pour chaque brigade, il leur donne pour ordre de cerner la ville avec un fossé et un retranchement défensif. La circonférence de Numance elle-même s'étend sur vingt-quatre stades, tandis que celle du retranchement est doublée, Scipion ayant soigneusement attribué ces défenses supplémentaires aux diverses brigades. Chaque fois que l'ennemi menace d'entraver leurs efforts, ils reçoivent l'instruction de brandir un signal distinctif : en plein jour, une bannière écarlate hissée au sommet d'une longue lance, et pendant la nuit, un fanal. Ces signaux appelant à l'aide doivent attirer Maximus et lui-même au secours de ceux qui se trouvent en difficulté.

Tihya et Yugurten, accompagnés de Sifal, se réchauffent près d'un feu de camp. Arborant des armures recouvertes de couches de vêtements en lin et de fourrures animales, ils trouvent un abri temporaire contre le froid pénétrant. La présence de Tihya semble être accueillie avec chaleur, même Sifal, généralement peu enclin à l'amabilité, ne cesse de la taquiner au sujet de ses origines romaines.

Yugurten s'efforce de la maintenir  à distance de Marius. Cet officier semble plus préoccupé par sa visibilité aux côtés du général et cherche à gagner sa place au Sénat, malgré son origine non aristocratique, ce qui suscite l'étonnement de Yugurten. L'accord entre Marius et le frère de Tihya, lui-même fils d'un ancien consul, semble étrange.

Cependant, l'ambition de Marius attire tout de même l'attention du prince au point de l'inquiéter. Pour la première fois, Yugurten ressent une peur accablante, confronté à cette situation délicate.

— Les Romains ont des coutumes quelque peu particulières, déclare-t-il en prenant une gorgée de bière pour se réchauffer l'esprit.

Tihya, déjà entamant son troisième verre, commence à montrer des signes d'ivresse.

— En effet,répond-elle d'une voix légèrement pâteuse. "Par exemple, chez nous, les paysans lavent leur linge avec de l'urine."

La réaction de Sifal faillit faire échapper la gorgée qu'il venait de boire. Yugurten les observe, amusé, tout en savourant son propre verre. Le visage de son cousin reflète la nostalgie de leur enfance.

— De l'urine ? s'exclame-t-il. Mais pourquoi ?

— Elle a le pouvoir de neutraliser la saleté et la graisse, explique-t-elle en riant. À Rome, l'urine constitue un véritable commerce. Le gouvernement a instauré des taxes spéciales sur la vente d'urine. Certaines personnes ne vivent que de cette activité, collectant l'urine dans les urinoirs publics ou allant de porte en porte.

— Intéressant... marmonne Yugurten en levant les yeux au ciel.

— C'est répugnant, déclare Sifal.

— Pire encore, ils l'utilisent même pour se faire des bains de bouche afin de conserver des dents blanches.

Un sourcil de Sifal se hausse.

— Oh, je suppose que c'est pour cela que vos dents sont si blanches, remarque-t-il.

Yugurten éclate d'un rire spontané .

— Non, j'utilise du citron pour mes dents, affirme-t-elle sans sourciller.

Les yeux de Yugurten se posent sur les siens, rougis par l'ivresse. Il est évident qu'elle n'est pas familière avec la boisson.

Numidia Tome 1 : Le Spectre Du Néant ( En Réécriture) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant