Numidia Tome 1 : Le Spectre Du Néant ( En Réécriture)

Conversation avec les étoiles

Numance - Hispanie , 134 av JC

             Tihya contemple les soldats vaquer à leurs activités en plein jour.

Le labeur s'est étiré en longueur et l'impatience de Scipion Émilien croît.

Les Celtibères ont soumis leurs propositions d'attaques, mais celles-ci ont été écartées par le général.

Voici que s'achève leur quatrième mois de présence ici, et il reste encore trois fortifications à ériger tout autour de la cité.

Les légionnaires romains, ainsi que les Numides alliés, disposent d'un effectif en nombre double de celui des Numantins , un avantage incontestable. Néanmoins, le général reste inflexible dans sa volonté de ne sacrifier aucun de ses hommes. Même si ses méthodes d'entraînement ont été rigoureuses, parcourant ainsi les plaines des alentours immédiats, il érige chaque jour un nouveau camp, pour le démanteler ensuite. Des remparts imposants sont élevés, des fossés sont creusés, tout cela sous sa supervision assidue du lever au coucher du soleil. Durant les marches, afin de prévenir toute dispersion, il conduit ses hommes en formation serrée, en carré compact. À nul n'est permis d'échanger sa place dans le dispositif assigné. Se déplaçant le long de la colonne, il clôt souvent la marche. Les malades prennent place sur les montures à la place des cavaliers, et les fardeaux accablant les mules sont répartis entre les fantassins. À chaque halte, dès la fin de l'étape, les soldats ayant été en tête de colonne prennent position autour des retranchements. En même temps, un détachement de cavaliers explore les environs. Le reste de l'armée se répartit les tâches : les uns creusent les fossés, les autres érigent les remparts, et d'autres encore dressent les tentes, chaque opération étant soumise à une limite de temps.

Tihya s'adonne quotidiennement à un entraînement avec les guerrières. Elles s'efforcent de s'habituer à sa présence, si Lunja se démarque par sa diplomatie , les autres ne manquent pas une occasion de la taquiner en se moquant de son manque d'expérience ,mais  Tihya persiste, n'ayant d'autre choix que de s'adapter à ce mode de vie pour abandonner son ancienne existence.

Cependant, une ombre plane dans son esprit. Le souvenir du baiser de Yugurten dans les ruisseaux la hante, obsédant ses pensées. Son amour pour Arris reste inébranlable, et elle espère toujours le retrouver un jour. Néanmoins, depuis ce baiser avec le  prince, ses pensées semblent obsédées par le souvenir de leurs lèvres se rencontrant. Malgré sa volonté de résister, une force intérieure persiste, de plus en plus puissante a l'attirer vers lui , et elle se déteste pour ça , surtout en regardant Yugurten faire  preuve d'une ignorance délibérée. Les interactions entre eux sont rares, limitées au cœur du campement où il ne s'adresse à elle que pour donner des directives. Tihya peine à comprendre son comportement à son égard. Le prince n'est pas réputé pour sa facilité d'approche, surtout lorsqu'il est en colère. Observant ses gestes, elle note sa capacité à dissimuler sa fureur, s'adonnant à l'exercice ou à la chasse. Ses paroles sont rares, son attitude est empreinte de mystère et d'insaisissabilité.

* * * *

Tihya avance solennellement au cœur du campement, son bonheur s'amplifie car  la chaleur de l'été  se dissipe lentement, laissant place à une douce fraîcheur. L'air tendre caresse ses cheveux, et l'odeur caractéristique de l'automne s'approche progressivement, emplissant l'atmosphère d'une mélodie saisonnière. Son regard se tourne vers le campement,  alimenté par les cris vivants des soldats qui viennent de conclure leurs travaux, aspirant désormais à un repos bien mérité.  Soudain, son épaule effleure légèrement celle de Marius, lui procurant un frisson. Elle le dévisage intensément.

—  Vous ? lui lance-t-il en langue berbère peu soutenu, manifestement surpris par cette rencontre fortuite.

Marius ne paraît en rien menaçant, cependant, Tihya sent que si la vérité sur son identité se découvre à lui, ses intentions pourraient se métamorphoser.