Numidia Tome 1 : Le Spectre Du Néant ( En Réécriture)

II

          
             
Siga ( Ain témouchent actuelle)

134 av JC

Je me tiens sur cette petite colline qui surplombe les champs fertiles, observant avec intensité les fermiers vaquant à leurs tâches quotidiennes.
Mon regard cherche désespérément parmi les ouvriers le visage d'Arris, celui-là même qui occupe toutes les pensées de mon esprit.

Les paroles échangées entre nous la veille et sa proposition résonnent encore dans ma tête. De fuir ensemble pour échapper à mon mariage indésiré et de nous offrir une nouvelle vie affranchie des contraintes familiales.
Au début, j'ai hésité, pensant que mon satané frère pourrait changer d'avis. Cependant, après avoir tenté en vain de le convaincre, une nouvelle détermination s'est emparé de moi.
Avec une certaine nostalgie, j'observe une fois de plus les fermiers se précipitant à leurs occupations. Certains s'adonnent aux travaux de la terre, le dos courbé devant leurs outils, tandis que d'autres se préoccupent de rassembler les récoltes. Leurs gestes répétitifs et précis reflètent d'un savoir-faire acquis au fil des générations.

Mes pensées s'orientent vers mon défunt père, Quintus Opimius, dont la présence bienveillante me manque cruellement. Ma vie a été bouleversée après sa disparition, lui qui a été un pilier de stabilité et de sagesse. Je sais, avec certitude, que s'il était encore en vie, il serait mon plus fervent soutien, défendant mon droit à décider de mon propre destin.
Je me remémore des choix courageux qu'il avait entrepris lorsqu'il était autrefois consul de Rome. Il faisait tout pour échapper à la corruption, abandonnant volontairement son poste avec ses privilèges et les intrigues du pouvoir pour s'établir en Numidie, dans le territoire de Siga.

Cette commune a été un havre de tranquillité pour lui, loin des tumultes de la vie politique romaine. Avec ses collines verdoyantes et ses vastes étendues de terres fertiles, cette communauté accueillante est mon berceau, c'est ici que j'ai vu le jour, dans les terres ensoleillées de la Numidie. Contrairement à mon frère Lucius, qui avait huit ans lors de notre installation ici, moi, j'ai toujours connu cette région comme mon foyer.

— Voilà  Arris, Domina, dit Talia, ma servante privée, me tirant de mes pensées. Sa présence a presque échappé à mon attention.

Je détourne à nouveau mon regard vers l'étendue où je le vois, je souris en le regardant vêtu modestement de sa tunique usée, s'affairant à cultiver la terre. Les rayons du soleil caressent ses boucles blondes d'un éclat doré, illuminant son visage aux traits bien dessinés. Son corps athlétique témoigne de sa force et de sa résilience, donnant l'impression qu'il aurait pu servir dans l'armée s'il n'avait pas été fermier à nos services.

Arris carthaginois de souche, a été réduit en esclavage, après la chute de Carthage, alors qu'il n'était qu'un enfant de quatre ans, a été adopté par des domestiques Numides chez nous. Depuis lors, il a trouvé sa place auprès de sa nouvelle famille, partageant son temps entre les travaux des champs et les tâches domestiques.

— Dis-lui de me rejoindre près du grand figuier, ordonné-je gentiment à Talia.

Talia s'incline légèrement en signe d'obéissance et se hâte de transmettre le message à Arris.

Je me précipite vers cet endroit calme et paisible. Le figuier occupe une place spéciale dans mon cœur, il a été le témoin de notre première rencontre. Je n'étais alors qu'une enfant de sept ans, assoiffée de découvrir le goût d'une figue mûre. Pleine d'enthousiasme, je me suis aventurée dans les hauteurs de l'arbre, bondissant d'une branche à l'autre. Mais au moment de redescendre, mes petites mains ont glissé, me mettant en péril.