Chapitre 2
— « Par un homme bronzé avec lequel je prends mon pied » ? répéta-t-il, abasourdi.
J'attrapai nonchalamment mon daïkiri qu'il secouait la tête, encore incrédule de ce qu'il nommait absence d'instinct de survie.
Tendant le bras, il s'empara de son mojito et déclara :
— Un jour, t'auras des problèmes, tu sais.
— C'est cet imbécile qui a commencé, ripostai-je.
— Quand bien même cet abruti méritait d'être remis à sa place, c'était imprudent. Imagine s'il avait décidé de te suivre ?
J'expirai, vexée :
— Il était bien trop sonné pour réfléchir.
— Et si t'étais pas tombé sur un crâneur, mais sur un misogyne ?
— Ce n'était qu'un crâneur, répliquai-je. Un fils à papa avec une grande bouche qui tremble dès que tu hausses la voix.
— Comment tu peux le savoir ?
— Tu connais beaucoup de blondinets vêtus en Ralph Lauren qui possèdent plus qu'une langue bien pendue ?
Dépité par ma rhétorique, il soupira :
— Les apparences peuvent être trompeuses, Ana. J'en suis la preuve vivante.
D'un balayage de main de son buste à ses pieds, il démontra son argument et je ne pus m'empêcher de sourire. Il était vrai qu'avec son mètre quatre-vingt et sa musculature digne des anciens guerriers nordiques, Alex renvoyait davantage l'image d'un dieu vivant, séducteur invétéré de jolies blondes pulpeuses, que d'un hermaphrodite en manque de confiance qui passait ses heures libres à parfaire le corps qu'il désirait à en crever. Remarquerait-il un jour que, ce corps qu'il idolâtrait comme étant la masculinité ultime, il le possédait déjà ? Je supposais que non. Après tout, qu'importait l'apparence que nous possédions, tant que notre esprit, cette petite voix dure nous jugeant en permanence l'emportait, peu importait les efforts fournis ou les objectifs atteints, jamais ils ne seraient suffisants, ni même efficients.
Dans les baffes, la musique sourde pulsa davantage. La soirée n'allait plus tarder à véritablement commencer.
— Tu sais ce qui me scie ? me lança Alexandre.
Reposant mon verre, je m'adossai à la banquette.
— Qu'est-ce qui te scie ?
— Cette répartie, cette fougue qui t'anime... Comment ça se fait que tu ne la serves jamais à cette peste qui te sert de cousine ?
— Alex...
— Je suis sérieux, Ana. Elle te pourrit la vie depuis des années. Que ce soit sur tes études, tes goûts... ou même sur ta voix ! Elle a toujours un truc à redire, une critique à te balancer. Comment ça se fait que tu n'utilises pas cette impertinence contre elle ? Une petite pique bien placée...
— Parce que je ne veux pas créer des tensions, l'arrêtai-je.
La peine vida ses poumons, affaissa ses épaules. Ma langue enveloppant mes dents, je ravalai le nœud dans ma gorge et baladai mon regard ailleurs ; n'importe où plutôt que dans ce cocon que nous avions créé. Car cette conversation, ce n'était pas la première fois que nous l'entretenions ; et, chaque fois, elle menait exactement à ce déplaisant endroit qu'était la résignation.
— Les tensions, ça fait partie de la vie, dit-il. C'est impossible d'arrondir continuellement les angles sans s'effacer.
Les larmes ourlant le ras de mes cils, je bénissais l'ambiance intimiste du bar et le coin choisi.
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Tel est pris...
Romance« En réalité, ce sera Anastasia plus un, cette année. » Une phrase. Une simple phrase, et j'embrassais l'anxiété à bras ouvert. Qu'est-ce qui m'avait pris de mentir ainsi ? Le sourire goguenard de ma cousine parfaite, sans aucun doute. Sauf que main...