Chapitre 3
1er décembre 2023
L'obscurité vacillait. Telle la marée, elle tanguait au rythme d'une houle lancinante, mais non moins dérangeante. Alors qu'elle balançait dangereusement dans ma poitrine, que je la goûtais presque sur ma langue sableuse, je tâchai de me relever ; en vain. En dépit de mes efforts, de ma volonté même, chaque mouvement que je tentais se heurtait à la plus stricte des immobilités : j'avais l'impression de m'engluer dans de la vase.
La marée roula une nouvelle fois et, cette fois-ci, chavira. Mus par l'urgence scandée par mon corps, mes bras se hissèrent à temps pour m'épargner le potage chaud et poisseux que je recrachais.
Merde, qu'avais-je donc bien pu faire hier pour être dans cet état ? Je ne m'en souvenais pas. La seule chose dont mon crâne en miette parvenait à se rappeler, c'était que j'avais rejoint Alexandre au Velvet pour la soirée.
Visiblement, tu t'es bien amusée...
Terrassés, et passablement vidés, mes bras me trahirent. Je retombai dans ce que j'imaginais — et espérais — être mon lit, et m'évertuai à lutter contre la nausée pour rassembler les morceaux manquants des festivités m'ayant menée à ce fossé.
Non sans peine, je raccrochais quelques wagons. Théo nous avait rejoints. Il était accompagné d'une tête de nœud arrogante qui, si je me rappelais bien, ne brillait ni de par son intelligence ni de par sa courtoisie. Je me rappelais aussi des shots. Des premiers, puis des nombreux ayant suivi avant le trou noir.
Papa va littéralement me tuer...
À quel degré de cuisson avais-je soumis ma carte bancaire ? J'en redoutais déjà la réponse, tout comme j'en redoutais la raison. Car je l'appréhendais d'autant plus, si j'avais agi ainsi, c'était parce qu'une crise existentielle m'y avait poussé. Cela, j'en mettais ma main à couper.
Merde, dans quel bourbier je suis encore allée me fourrer...
Une vibration grésilla à mes côtés. Elle s'obstinait que je compris sa provenance : mon téléphone sonnait.
Double merde, quelle heure était-il ? Et quel jour étions-nous déjà ? Samedi ? J'espérais que nous étions samedi. J'espérais sincèrement que j'avais été suffisamment raisonnable pour me mettre la tête à l'envers un vendredi soir. Parce que, vu mon état, me lever pour aller en cours relèverait d'un miracle.
D'un bras lourd, aussi lourd que les fontes qu'Alex soulevait à la salle, j'enveloppai mon front moite à la recherche d'un brin de fraîcheur, d'un brin de douceur. Fâcheusement, je ne trouvais guère plus que la même tiédeur. Pourtant, il fallait bien que je me requinque, n'était-ce qu'un peu, n'était-ce que pour m'assurer du jour et de l'heure.
À côté de moi, mon téléphone bourdonnait furieusement, martelant mon crâne sans répit. Bordel, mais comment avais-je même pu marcher droit et rentrer chez moi ?
Contre toute attente, les vibrations cessèrent. Mais ce qui les remplaça n'arrangea guère mon affreuse gueule de bois.
Des pas.
Des pas s'affairaient autour de mon lit. Tournant et virant, ils parcouraient la pièce que mon souvenir se rappelait plus grande, prenant une chose à gauche avant de la reposer à droite, et vice versa. Mais des pas qui, surtout, faisaient un vacarme de tous les diables.
— Merde, Alex..., grognai-je.
À quoi bon disposer des tapis de tout bord si c'était pour qu'il les ignore dans de telles situations ? Et d'ailleurs comment se faisait-il qu'il soit debout, frais et fringant ? N'avait-il pas bu autant que moi ?
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Tel est pris...
Romance« En réalité, ce sera Anastasia plus un, cette année. » Une phrase. Une simple phrase, et j'embrassais l'anxiété à bras ouvert. Qu'est-ce qui m'avait pris de mentir ainsi ? Le sourire goguenard de ma cousine parfaite, sans aucun doute. Sauf que main...