Chapitre 25
22 décembre 2023
— Pile pour le réveillon, se réjouit ma grand-mère. Tu dois être contente ? Tu vas pouvoir pleinement profiter.
Ouais, pile pour le réveillon, retins-je derrière mes lèvres mordues.
Avait-elle conscience que, sans écharpe, je souffrais deux fois plus ? Non. Dans leur esprit, l'apparence de la santé seule suffisait à créer l'illusion. Le seul point positif de ce diagnostic à deux francs de ce kiné foireux dont l'absence d'empathie me laissait perplexe sur le choix de sa profession, c'était qu'au moins, j'aurais l'air normal pour le réveillon ; même si, je n'en doutais pas, Angie se ferait un plaisir de rappeler, sous couvert d'une feinte compassion, la mésaventure m'ayant conduit à devoir repousser mes partiels.
— Tout de même... Quel dommage que nous n'ayons pu faire la rencontre de ce Tom avant, déplora-t-elle. Le pauvre, rencontrer toute la famille comme ça, pour le réveillon... Il doit être nerveux, non ?
Tom, nerveux ? La bonne blague. Rien, absolument rien sur cette terre, ne le rendait nerveux. Pas même le professeur le plus strict et le plus acerbe de la faculté.
— Pas que je sache, haussai-je de mon épaule blessée.
D'un sourire coincé, je cachai la grimace née de ce geste dont l'automatisme, libéré de l'écharpe, avait oublié l'état. Recourant au bras gauche, je résolus d'attraper ma tasse de café. Un choix que je révisais bien vite devant le regard réprobateur de ma mère. À contrecœur, redoutant déjà la douleur que j'allais attiser, je tendis donc mon droit et attrapai ma tasse, la bouche pincée par l'affliction consciemment endurée.
— Tom est quelqu'un de confiant, expliquai-je. Il a beaucoup d'assurance et s'adapte à tout environnement. Un vrai caméléon.
— C'est vrai, plussoya ma mère en attrapant sa tasse de thé. Chaque fois qu'il est venu à la maison, il était calme et paraissait parfaitement à l'aise.
— Un jeune homme instruit et sûr de lui ? intervint mon grand-père depuis la porte qu'il franchissait. Eh bien, Anastasia, tu as trouvé une perle rare. Je comprends mieux le temps accordé.
Avant que l'impulsivité ne me perde une nouvelle fois, j'ingurgitai une rasade de café. Juste assez pour m'étouffer, sans pour autant dégouliner. Franchement, la pique, c'était nécessaire ? Non, certainement pas. Avait-il conscience de m'en avoir lancé une gratuitement, pour le plaisir d'exprimer sa pensée ? Non, évidemment pas ; et là était le drame. Enfin, le privilège de l'âge... Plus les rides s'accumulaient, plus le monde pardonnait les filtres oubliés.
— Et très amoureux, gloussa ma mère, ravie.
— Maman !
Elle gloussa de plus belle, son sourire disparaissant contre la porcelaine de sa tasse, et je me tassai sur moi-même, mortifiée. Pourquoi fallait-il qu'elle rende les choses si compliquées ? Déjà que je passerais pour la Reine de cœur après le Nouvel An... Et puis, s'il était si amoureux qu'elle le prétendait, je l'aurais vu tout de même. Il aurait cherché à se rapprocher, à m'être plus agréable, non ?
— Oh, elle est toute rouge, s'attendrit ma grand-mère. Regarde George, ta petite fille est amoureuse.
— Quoi ? m'étouffai-je. Non.
De ma main libre, je cachai une joue et enfouis l'autre contre mon épaule. Malheureusement, le mal était fait. Et plus ils s'extasiaient sur ce miracle inespéré, ce miracle fabriqué, plus mes joues s'enflammaient, complices de leur rêverie fabulée.
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Tel est pris...
Romance« En réalité, ce sera Anastasia plus un, cette année. » Une phrase. Une simple phrase, et j'embrassais l'anxiété à bras ouvert. Qu'est-ce qui m'avait pris de mentir ainsi ? Le sourire goguenard de ma cousine parfaite, sans aucun doute. Sauf que main...