Chapitre 30

11 1 0
                                    


Chapitre 30

24 décembre 2023

Cette année encore, l'absence de Camille flottait dans les conversations. Ingrate, amoureuse, irresponsable, légère... Chacun y allait de son qualificatif. Des qualificatifs qui, sans qu'ils en prennent conscience, poussaient Camille à nous délaisser un peu plus chaque année. Qu'est-ce que la situation amoureuse, les choix sentimentaux de ma cousine pouvaient bien leur faire ? Qu'elle préfère les femmes et se définisse comme queer ne changeait strictement rien à leur existe à eux ; alors pourquoi ces jugements, ces conseils murmurés par la bienveillance comme ils le prétendaient, mais qui ne naissaient que de la moralité, pour ne pas dire de la bigoterie bourgeoise ?

— Alors ?

Un mot.

Un mot prononcé par cette foutue langue fourchue qui ne semblait avoir qu'une tonalité, le sardonisme, et mon corps entier se tendait. Une soirée... c'était vraiment trop lui demander que de me foutre la paix pendant une soirée ?

D'un regard en coin, je pris note de sa présence à mes côtés. Une coupe à la main, elle jubilait de ce que je redoutais.

— Alors, quoi ?

— Où il est ? Ce mystérieux prince charmant que tu es parvenu à cacher. Il serait temps de le dévoiler, musa-t-elle en buvant une gorgée.

— Il arrive.

Une feinte empathie pinça ses lèvres.

— Quoi ? m'agaçai-je.

— Grand-père déteste le retard.

— Il ne va pas tarder, grinçai-je.

— Si tu le dis.

Sa coupe à moitié vide, elle s'éloigna vers son cher compagnon qui, pour une raison inconnue, préférait converser avec notre grand-mère plutôt que notre grand-père, et je restai là, focalisée sur cette pique, cette ultime raillerie qui, à elle seule, témoignait de la crédibilité qu'elle accordait à mon « couple ». À ses yeux, non seulement il était une farce, mais une farce dont je m'étais bercée. Une chose était sûre : si Tom voulait son argent, il avait intérêt à arriver ; et vite.

Infortunément, tant pour mes nerfs que pour ma crédibilité, cet imbécile se laissait désirer. Où que mon regard se pose, son retard me raillait.

Son retard, pour ne pas dire son absence...

— Alors, ma pivoine, où est ton fiancé ?

Mes dents mordant mes lèvres, je pestai en silence contre cette arrivée intempestive que les conversations continues avaient aidé.

Dans son élégant tailleur crème, réajustant diligemment son collier de perles, ma grand-mère balayait l'assemblée d'un œil curieux à la recherche du visage ressemblant à la pauvre photo que ma mère était parvenue à lui dénicher. La preuve qu'en dépit de tous nos efforts, Google était toujours plus puissant que nous. Rien ni personne ne lui échappait ; et Tom Devlin, aussi prudent soit-il, n'était pas parvenu à être l'exception.

— Mon copain, Grand-mère.

À mon tour, je scannai les petits groupes que formaient mes deux tantes et ma mère, Angie et son cher Maximilien, Léo et nos jumeaux de cousins qui jouaient à la course sur la Switch. Une fois encore, la déception seule m'accueillit.

— Il ne va pas tarder, dis-je.

Enfin, j'espère.

— J'ai hâte de le rencontrer, me sourit-elle. Ah ! Ton grand-père nous fait signe de le rejoindre.

Tel est pris...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant