Chapitre 29

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Chapitre 29

24 décembre 2023

Tandis que la date sur l'écran de mon téléphone me raillait, je soupirais : nous étions déjà rendus au réveillon. Ce soir sonnerait non plus le glas de mes partiels différés ou de mon amitié brisée, mais celui de ma dignité.

Deux jours que je n'avais pas eus de nouvelles de Tom. Alors certes, nous n'étions pas les plus bavards au monde, nous n'avions pas vraiment échangé de mails au cours du mois pour me laisser perplexe sur l'absence de ceux-ci... Mais après l'autre soir, quelque chose me rongeait ; une chose que je n'identifiais pas et qui, pourtant, me rendait l'absence de nouvelles aussi angoissante que l'attente des résultats chaque semestre. Car, que cela me plaise ou non, ce serpent avait réussi à instiller le doute avec son regard pénétrant et sa peine savamment dosée. Que je le veuille ou non, Tom avait réussi à me faire douter quant à l'existence de sa sincérité. À me faire douter quant à la facticité de cette relation simulée.

« Un acteur qui n'a pas été payé. »

Sur l'instant, le rappel m'avait piquée, blessée même. J'y avais entendu le reproche de son paiement différé, de son travail traité en bénévolat. À présent, je n'étais plus sûre de rien.

« Un acteur qui n'a pas été payé. »

Devais-je y entendre le reproche d'un fait ou la mise en lumière d'une réalité insinuée ? Plus mon amertume se retirait, et plus je craignais d'y songer.

Un poing toqua à ma porte.

Saluant mes divagations, j'expirai mes tensions, abandonnai mon reflet dans le miroir de la coiffeuse et pivotai mon séant en direction de ma porte.

« T'es prête ? s'enquit Léo, un immense sourire aux lèvres. »

Il était si adorable dans sa jolie chemise blanche fraîchement repassée, si solaire avec cette joie contagieuse qui embaumait son aura, que je souris à mon tour.

« Dans un instant. Je finis de me coiffer, et je descends.

— T'as besoin d'aide ? Je sais faire les tresses et les chignons, s'enorgueillit-il en sautillant, fier de son savoir. »

Il était si fier, si heureux dans cette ébauche de costume qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à celui de notre père, que je ne pus museler l'étirement de mon sourire.

« C'est gentil, je vais y arriver.

— Certaine ?

— Certaine.

— OK ! »

Plus guilleret que jamais, il tourna les talons, et je me retournais vers ma coiffeuse, soucieuse de terminer ce chignon qui m'ennuyait. Signer était simple : mon bras restait relativement bas, près de mon ventre si je le désirais. Mais me coiffer ? La tâche s'annonçait aussi douloureuse que fastidieuse tant il me fallait continuellement le lever.

Les yeux fermés, inspirant profondément, je prenais mon courage à deux mains que, tout à coup, deux bras m'enlacèrent. Un regard dans ma coiffeuse, et je vis Léo. Accroché à mon dos comme une moule à son rocher, sa petite tête enfouie dans mon cou, il me serrait avec autant de force que sa joie engendrait.

— Mer...ci, força-t-il, la voix caverneuse.

« Pour quoi ? m'étonnai-je d'une articulation dans le miroir.

— Papa, me répondit-il de la même manière. »

À ce remerciement, ce souvenir de la veille réchauffa ma poitrine. Car pour la première fois de sa vie, Léo avait rencontré le père qui m'avait élevé. Pour la première fois de sa vie, il s'était senti considéré, et surtout aimé, par ce père qui l'avait tant ignoré.

« Tu crois que Tom sera en costume, aussi ? me demanda-t-il en se détachant.

— Je pense.

— Génial ! »

Il brandit les poings en signe de victoire, extatique d'une joie que je ne comprenais pas, que je m'informai :

« Pourquoi ?

— Parce que comme ça, on sera pareil lui et moi ! »

Et tandis qu'il sautillait jusqu'à ma porte en claquant des mains, surexcité quant à la soirée qui s'annonçait, je restai là, figée par cette affection clamée.

Mes parents appréciaient Tom, Léo l'adorait... Comment se présenterait l'après ? Plus que ces deux dernières semaines, j'appréhendais l'après ; lorsque la rupture frapperait et que les espoirs se décomposeraient.

Cependant pour l'heure, alors que je finissais mon chignon et brumisais un zeste de laque, deux questions me taraudaient avec encore plus de bestialité : après notre dispute dans cette ruelle, Tom viendrait-il ce soir ? Et, si oui : du jeu ou de la sincérité, à quelle facette devais-je me préparer ?

Tel est pris...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant