Chapitre 20
18 décembre 2023
Étouffant sous ma couette, je la rejetai d'un violent coup de pied, regrettant de ne pouvoir faire de même avec cette foutue pensée qui me tourmentait.
« Pourtant, tu n'as eu aucun mal à te glisser dans le mien. »
Il était gonflé.
Terriblement culotté.
Où puisait-il l'audace de dénaturer ainsi les faits, de les tourner ainsi en mensonge éhonté ? alors même qu'il s'était félicité de m'avoir changé et mise au lit sans surprendre ma nudité ! Ah ça ! oui, il était sacrément gonflé !
« Pourtant, tu n'as eu aucun mal à te glisser dans le mien. »
Non, il n'y avait rien à faire. Plus je me retournais, plus l'insinuation me raillait. Franchement, comment pouvait-il énoncer une telle ânerie, une aussi grotesque ineptie sans en sourire ? Je ne voyais qu'une hypothèse : mon ivresse m'avait poussé à des avances dont ma sobriété ne se souvenait. La question était donc de savoir désormais à quelle frivolité je m'étais humiliée...
Lasse, et bien trop furieuse pour permettre à Morphée de m'étreindre, je m'assis sur le rebord du lit. Là, à mi-chemin entre les deux mondes, je ressassai une nouvelle fois l'inconséquence qui m'avait menée jusque-là. Enfin, du moins le tentai-je ; car, sans s'annoncer, une insidieuse pensée se forma à la lueur du sapin qui soupirait : pourquoi l'avais-je invité à rester ? Par compassion ? Par charité ? Par culpabilité d'endosser la responsabilité de ses partiels ratés ? Je l'ignorais, et ça m'irritait.
Évidemment, il aurait été simple de clamer que la dernière option était celle qui m'avait guidé ; mais, comme me l'apprenait le poids pesant dans ma poitrine, ce n'était pas si simple.
Alors quoi, la charité ? Savoir qu'il allait rentrer dans son petit studio miteux où régnait l'humidité m'avait ébranlé au point que je lui propose l'hospitalité ? Non.
Non, pas la charité ; il était trop fier pour inspirer la pitié qu'invoquait la charité. Et puis, si ma mémoire ne me trompait pas, le froid suintant des murs le laissait de marbre. Il restait donc la compassion.
La compassion... Était-ce par souci de lui épargner une heure de métro pour rentrer chez lui qui avait influencé ma proposition ? D'ailleurs, comment était-il arrivé si vite la veille, lui qui vivait près de Montmartre ? Il ne me l'avait pas révélé. Enfin... Peut-être était-ce de la compassion. Après tout, même si je reconnaissais le ridicule de la chose a posteriori, sur l'instant, je n'avais témoigné que de sa précipitation pour nous aider, je n'avais épié que la sympathie couvant presque l'amitié auprès de Léo. Tout simplement, j'avais aperçu un allié plutôt que la rivalité.
Oui, plus j'y réfléchissais, plus cette solution s'affirmait. Je lui avais proposé l'hospitalité parce que ma naïveté avait endormi trois années de méfiances et de coups fourrés ; je lui avais proposé l'hospitalité parce que, l'espace d'une soirée, j'avais songé que les choses pourraient changer.
Que les choses pourraient...
— Eh merde !
Non, non et non. Ça, je refusais de l'envisager. Ça, c'était précisément le paramètre certifié qui ne pouvait évoluer. Depuis trois ans, Devlin et moi nous livrions une bataille sans merci pour les lauriers. Entre nous, il n'existait que fourberies et rivalité. Aucune amitié n'avait sa place ; aucune.
VOUS LISEZ
Tel est pris...
Romance« En réalité, ce sera Anastasia plus un, cette année. » Une phrase. Une simple phrase, et j'embrassais l'anxiété à bras ouvert. Qu'est-ce qui m'avait pris de mentir ainsi ? Le sourire goguenard de ma cousine parfaite, sans aucun doute. Sauf que main...