Chapitre 10
« Je voulais quelque chose de classique cette année, affirmait ma grand-mère avec un large sourire. Un retour aux sources, en quelque sorte. »
Alors que j'observais le monstre dont la cime culminait deux mètres plus haut, l'ironie de sa déclaration me frappa. Un retour aux sources... mais lesquelles ? Car peut-être étais-je de parti pris, mais, dans mon esprit, un retour aux sources impliquait la sobriété, l'épuration ou, à défaut, aux traditions. En quoi ce conifère de deux mètres cinquante, fardé et travesti à outrance d'or et de rouge, de rubans et de décorations, incarnait-il un retour aux sources ? Quant à l'abominable crèche démesurée, je préférais ne pas m'exprimer...
— C'est magnifique, commenta ma mère. N'est-ce pas, Anastasia ?
Magnifique n'était définitivement pas le mot que j'aurais choisi. Néanmoins, soucieuse de ne pas m'en mêler, de ne pas engendrer une divergence qui nourrirait les conversations de la soirée, rappelant, une fois encore, à quel point je ne savais pas apprécier la chance que j'avais, j'acquiesçai :
— Magnifique, en effet.
Elles reprenaient leur conversation, discutant de Maximilien, le compagnon d'Angélique, et de sa tardiveté à ployer un genou qui aurait déjà dû rencontrer la moquette impeccablement coiffée, et je m'éloignais, désireuse de caler le poids de mon bras contre un coussin bien rembourré.
« Tu savais que Voldemort, c'était Tom Jedusor, toi ? signa Léo, médusé, tandis que je le rejoignais. »
L'effarement affaissant ses traits encore enfantins face à cette terrible révélation me donnait davantage envie de rire qu'autre chose. Cependant, je me souvenais de cette découverte à mon époque. Je me souvenais de mon cœur s'arrêtant en lisant, de cette trahison qui, des jours durant, m'avait hanté. Je me souvenais m'être dit : comment c'est possible ? Il semblait si honnête, si digne de confiance !
Comme quoi, les apparences.
M'installant dans le fauteuil à côté du sien, je posai le coussin sur mes genoux, y calai mon bras en écharpe et tâchai de signer aussi clairement que possible :
« Quoi ? Volde... Merci du spoil ! »
Ses mains plaquées contre sa bouche, Léo en relâcha son livre, dépité. Une bonne minute lui fut nécessaire pour se souvenir d'un détail...
« Eh, mais... attends. C'est tes livres ! »
La mine renfrognée, les ailes de son nez en trompette froncées par l'indignation, Léo attendait des excuses ; des excuses qui tardait à venir tant ma volonté s'évertuait d'abord à réprimer le rire que sa petite attitude m'inspirait. Cela, je ne pouvais le nier : nous étions bien de la même lignée. De nos apparences à nos caractères bien trempés, notre fratrie se proclamait.
« Je te charrie, Léo. Respire, je le savais. »
M'enfonçant davantage dans l'assise, calant l'arrière de mon crâne encore sensible dans le cuir réchauffé par le feu crépitant dans l'âtre non loin, j'ajoutai :
« Tu vois l'accroc sur le dos du livre, en haut ? C'est de la faute de Jedusor. »
Il vérifia l'accroc dont il avait pourtant fait la remarque en m'empruntant le livre, et se rappela :
« Tu m'avais dit que je découvrirais pourquoi...
— Yup.
— Merde, alors... »
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Tel est pris...
Romance« En réalité, ce sera Anastasia plus un, cette année. » Une phrase. Une simple phrase, et j'embrassais l'anxiété à bras ouvert. Qu'est-ce qui m'avait pris de mentir ainsi ? Le sourire goguenard de ma cousine parfaite, sans aucun doute. Sauf que main...