Chapitre 5

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Chapitre 5

Isolée dans une petite salle où le désinfectant me piquait les narines, je patientais, assise sur la table d'auscultation, qu'un interne vienne me chercher pour une radiographie en faisant défiler les messages et autres notifications manquées. Grâce à ce contretemps, j'avais notamment pu apprendre que nous étions vendredi, à mon grand désarroi, que j'avais manqué mes deux cours magistraux de fin de matinée, que je n'avais pas survécu à la triade whisky, rhum et tequila et que, si j'en croyais les messages de ma cousine Angie et de ma mère, je m'étais fabulé un compagnon impatiemment attendu au réveillon de Noël.

— Merde...

— Tu as décidément un vocable d'une richesse édifiante, commenta Devlin.

D'un glissement de son index et de son majeur, il agrandit une image sur son téléphone et reprit ses révisions comme si tout était normal, comme si nous n'étions pas dans un hôpital.

— Il explique à n'en point douter les déculottées que je t'inflige chaque année, frondai-je.

Le sarcasme frémissait sur ses lèvres que, tout à coup, la porte s'ouvrit. Reléguant sa pique dans un coin de son esprit en même temps que son téléphone dans le fond de sa poche, il se releva et accueillit la jeune métisse en blouse blanche qui se faufilait avant de refermer.

— Mademoiselle Dumas ? Je suis le docteur Hérault, se présenta-t-elle après confirmation.

Un médecin ? Mais, enfin, elle semblait aussi jeune que je ne l'étais ! Comment pouvait-elle avoir déjà achevé son internat ? Elle avait sauté des classes, ou bien ?

Postée face à moi, elle leva doucement mon bras et m'ausculta :

— Des douleurs au niveau des omoplates et de la nuque ?

— Ça me lance un peu, admis-je.

— Ça vous lance, répéta-t-elle en retirant avec précaution le pull de Devlin.

Pourquoi portais-je son pull ? Ah, oui. J'avais magistralement vomi sur mes vêtements, puis un taré m'avait déboité l'épaule avant que je n'aie le temps de me changer.

Lentement, elle remonta de mon bras à mon épaule, puis de mon épaule à ma nuque, et je me mordis les lèvres pour ne pas geindre.

— La zone est bien gonflée, constata-t-elle.

Non sans douleur, je tournai la tête et observai par moi-même le constat précédemment dressé. Effectivement, elle disait vrai : non contente d'avoir adopté une teinte seyant au coup de soleil, mon épaule avait triplé de volume.

Dégainant un stylo accroché à sa blouse, elle me le tendit.

— Pouvez-vous tenir ce stylo ?

Désarçonnée, j'obtempérai néanmoins, entrevoyant rapidement où cet exercice nous menait en sentant les muscles de mon bras se tordre et rechigner. Cela, ça ne sentait pas bon.

— Bien, dit-elle en sortant cette fois un carnet. Écrire ?

Cette fois, la douleur m'arracha un gémissement que ma détermination ne put museler. Merde, de toutes les idioties que je pouvais accomplir, et que j'avais accomplies au cours de ma courte existence, il fallait que je réalise celle qui me compliquerait mes partiels. Comment allais-je les réussir maintenant, si je pouvais à peine tenir un stylo ? Mes examens étaient dans moins de deux semaines !

— Est-ce une luxation ? s'enquit tout à coup Devlin.

— Ça m'en a tout l'air, acquiesça la doctoresse.

Tel est pris...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant