Chapitre 17

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Chapitre 17

16 décembre 2023

— Et beau garçon avec ça ! s'exclama ma grand-mère.

Assise à ses côtés, Angie, qui s'était empressée de taper son nom sur internet et qui, forcément, n'avait rien trouvé, se tordit le cou pour témoigner de ce charme vanté.

— Et bien élevé, souligna ma mère. Bien élevé, et cultivé. Vraiment, c'est un plaisir que de parler avec.

À cet instant, j'aurais volontiers disparu. Malheureusement, l'anniversaire auquel Léo était convié n'était pas encore achevé ; et, puisque me plaignant du lancement continuel dans mon bras, j'avais accepté de faire une pause dans mes révisions en accompagnant ma mère, il me fallait endurer les curiosités badines de ma grand-mère enjouée et celles, plus acérées, d'Angie qui, surprenamment, rageait.

— Oh, c'est dommage que Noël soit encore si loin, se navra ma grand-mère.

— Moins de dix jours, grand-mère, dis-je.

Dix jours, la rupture frapperait et, après cela, l'ouragan me balaierait. Car nul besoin d'être devin pour présager des retombées qui, à coup sûr, m'empoisonneraient bientôt l'existence. L'on décrierait mon mauvais caractère, celui-là même qui fait fuir les garçons depuis le jardin d'enfants et me place souvent dans de délicates positions. L'on blâmerait mon indépendance, mon absence de douceur, celle-là même qui caractérisait la gracieuse féminité et qui rassurait la fragile masculinité. Ah ! oui, je les entendais d'ici.

« Enfin, Anastasia, un garçon d'une telle envergure ! C'est une pitié... Une pitié, vraiment, que tu n'aies pas mesuré la chance que tu avais !

En même temps, le pauvre garçon... Vous connaissez le tempérament d'Anastasia, non ? »

Un garçon si brave, si plein d'ambition, de considération ! Ah ça ! bonne chance pour en retrouver un, ma petite. »

Oui, après l'extase foisonnante, après la considération déferlante viendrait la déception écrasante, celle qui me harasserait sans fin ni pitié ; à tel point que, tout à coup, je me demandais si ce mensonge en valait le coup. La préservation de ma fierté valait-elle l'accablement que, bientôt, il me faudrait endurer sans broncher ? Probablement pas. Néanmoins, il était désormais bien trop tard pour reculer... Et puis, dans le pire des cas, je pouvais toujours proposer plus d'argent à Devlin pour poursuivre cette comédie s'il le fallait. Juste le temps que la rupture soit plus douce pour eux. Le temps qu'ils n'y voient que du feu.

— Vous savez ce qui serait sympa ? intervint Angie.

Pourquoi je ne le sentais pas ? Entre son buste incliné, ses bras élégamment croisés en dessous de son menton relevé et son œil pernicieux, cela sentait résolument mauvais.

— Qu'on déjeune tous ensemble après la messe dimanche, comme lorsqu'on était petites, Camille, Anastasia et moi. Qu'est-ce que vous en dites ? Et Tom serait bienvenu, évidemment. Ça ne serait pas sympa ?

Suppôt du diable.

— Mais quelle bonne idée ! s'exclama ma grand-mère.

Évidemment.

Merde, mais quel crime avais-je commis dans une autre vie pour mériter une cousine à l'esprit aussi malfaisant que vicieux ? Ce n'était pas possible, il fallait que je le découvre. Il fallait que je découvre à qui j'avais causé du tort, et que je restaure mon karma avant que sauter d'une falaise ne me séduise davantage.

Tel est pris...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant