Chapitre 22
20 décembre 2023
« Une cravate ? »
En dépit de sa petite tête penaude qui m'exhortait à la clémence, je me massai l'arête du nez, dépitée.
Une cravate, existait-il pire cadeau sur cette terre ? Déjà, pour la fête des Pères, ça passait moyen ; mais pour Noël ? Non, c'était une tribune de la haine.
« Non, Léo. On s'était promis de faire mieux cette année, et c'est ce qu'on va faire. »
D'une rotation, je délassai mon épaule. La douleur perçait mon omoplate, mon muscle rechignait à la besogne, mais je persistai, soucieuse d'appliquer les conseils prodigués par la kiné la veille qui avait été limpides : si j'escomptais composer en janvier, il était impératif que je passe au-dessus de la douleur et commence à rééduquer.
« D'accord, d'accord... Une montre ! »
Son enthousiasme était si communicatif que cela me peinait de décliner l'idée. Néanmoins, la providence m'épargna ce crève-cœur : le tableau numérique près de l'accueil énumérait les spectacles et matchs pour les mois à venir, et, aussitôt, une idée germa.
Forçant sur la main qui fainéantait au chaud depuis trois semaines, je signai avec rapidité :
« Et pourquoi pas des places pour un match ?
— De foot ?
— Vous pourriez y aller ensemble.
— Papa regarde pas le foot. Il vient même pas à mes matchs... »
Une autre conversation à mener et une énième mise au point à traiter sur ma liste avant de rentrer sitôt ma rémission complétée. Car cette douleur enflant sa gorge, cette amertume naissante serrant sa poitrine, je refusais de les voir se développer. Je refusais de témoigner de cette dérive et, d'un jour, entendre mes parents se navrer de leur échec et du temps dilapidé dans des insanités ; je refusais de lire le ressentiment de Léo qui se contraindrait, par simple politesse, à assister aux réunions annuelles en se promettant que, l'année suivante, il suivrait le modèle de Camille et s'abstiendrait. Oui, moi vivante, mon petit frère ne connaîtrait pas la souffrance d'un père absent, et encore moins la lente agonie de son indifférence.
Cependant, pour l'heure, une autre mission m'attendait : celle d'insister. Car, je n'en démordais pas, ce cadeau était assurément le meilleur auquel je pouvais penser, le meilleur que je pouvais leur offrir, tant à mon père que mon frère : un instant père/fils pour renouer ce qui n'aurait jamais dû se délier, un instant père/fils pour rappeler à notre père ce qui compterait à jamais. Et ça, plutôt repiquer mon année que d'abandonner.
« Et si je te promets qu'il ira ?
— Tu vas le forcer ?
— Le convaincre. »
Le scepticisme me répondait que j'ajoutai :
« Eh, c'est mon domaine de convaincre.
— C'est vrai que pour une future avocate c'est mieux ! »
Il riait de bon cœur, ses joues se colorant tant le manque de souffle et les crampes s'enchaînaient, et je le couvais des yeux, attendrie de le voir si heureux.
— Anastasia ? C'est dingue de te croiser ici !
Surprise de cette voix, gaie et claire, qui ne m'était pas inconnue, je pivotai et découvris Théo, l'homme après qui Alex courait depuis des mois. Un panier garni de jouets, de livres, d'un ou deux jeux vidéos et d'une bouteille de vin, il se frotta les cheveux d'une main gênée avant de m'offrir un sourire à la hauteur de son inébranlable bonne humeur.
VOUS LISEZ
Tel est pris...
Romance« En réalité, ce sera Anastasia plus un, cette année. » Une phrase. Une simple phrase, et j'embrassais l'anxiété à bras ouvert. Qu'est-ce qui m'avait pris de mentir ainsi ? Le sourire goguenard de ma cousine parfaite, sans aucun doute. Sauf que main...