Chapitre 28

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Chapitre 28

23 décembre 2023

Le glas des vacances avait sonné et, avec lui, avait retenti l'entérinement de mes partiels différés. Cette fois, c'était sûr : je les avais tous ratés et il me faudrait les repasser sitôt les séances de kiné terminées.

Le kiné... Qu'allait-il dire en voyant mon épaule gonflée ?

Dépitée de cette perspective qui me tuait, je repoussai les sujets d'examens ornant mes jambes ; les sujets jetées à mon visage la veille par Tom et sa frustration simulée.

Pourquoi m'avait-il apporté les sujets sur lesquels il avait composé cette semaine ? Probablement pour me submerger d'anxiété, me rappeler ce délai dont je jouissais tout en endossant le rôle de saint auprès de mon père. Satané Tom Devlin... Était-ce les vrais même ? À présent qu'Alex était hors jeu, il m'était impossible de le savoir.

Alex...

Maudit Alex et ses contrariétés. Lui et ses accès de violence venaient de me faire prendre un mois de plus, j'en mettais ma main à couper. Au fond, Léo avait eu raison : j'aurais dû le rapporter dès sa première incartade. Mais non. La première fois j'avais tenté de le réconforter après avoir obtenu une gommette qu'il n'avait eue, il m'avait poussé dans la boue ; et j'avais expliqué, peinée et humiliée, que je m'étais écorchée et tachée en tombant du toboggan. Ne jamais accepter la violence. Quelle que soit l'explication, aucune justification n'est possible. J'aurais dû l'avouer ; avouer qu'il m'avait volontairement poussé, avouer les flammes dévorant son regard, le rouge mordant ses joues ce jour-là. Mais non. J'avais six ans ; et tandis qu'il me disait que je l'avais bien cherché, qu'il m'incriminait de ne pas lui avoir donné la réponse demandée, je me persuadais que c'était de mon fait. Je me persuadais que si je lui avais soufflé la réponse comme il me l'avait demandé, si j'avais été cette bonne amie qu'il espérait avoir, alors il n'aurait pas échoué et je n'aurais pas mérité d'être poussée. Il existe un principe en droit. Un principe qui prétend que « qui ne dit mot consent ». J'avais six ans ; six ans et, ce jour-là, mon silence venait de signer dix-huit ans de consentement.

— Prête ? demanda mon père.

Ignorant ma nuque raide, j'abandonnai mes ruminations et tournai mon visage vers l'embrasure de ma porte, là où mon père, son manteau sur un bras, m'attendait.

— J'arrive, soupirai-je.

Avec une envie équivalente à celle d'honorer un rendez-vous chez le dentiste, je me relevai, prospectai pour un manteau ainsi qu'une paire de chaussures et le rejoignis au rez-de-chaussée. Quelques minutes plus tard, nous étions installés dans la voiture ; lui au volant, moi à la place du mort en regardant droit devant.

— Mauvaise nuit ? lança-t-il.

— Petite nuit, rectifiai-je.

À cette réponse, il ferma la grille et commenta :

— Tu dormiras mieux ce soir.

Ou pas. Mais bon, avais-je vraiment envie de lui répondre ça ? De supporter la curiosité qu'une telle proximité l'obligerait à déployer ? Pas du tout. Mon père n'avait pas plus envie que moi d'une discussion profonde, alors je n'allais pas nous infliger cela.

— Vous vous êtes bien amusés hier avec Tom ?

À y réfléchir, peut-être la conversation profonde était-elle une meilleure option.

— Mh, éludai-je d'un haussement d'épaules qui me tua. On a juste pris un verre, histoire de célébrer sa fin des partiels.

— C'est vrai qu'il terminait les partiels hier. Et alors, qu'en pense-t-il ?

Tel est pris...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant