Chapitre 33

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Chapitre 33

25 décembre 2023 - Minuit

Dans la rue, la quiétude régnait. Pas un enfant, pas un chat même, ne s'aventurait sur les trottoirs frais, sous les décorations étincelant avec extravagance. Et néanmoins, la hâte, cette hâte latente qui croissait de minute en minute derrière les murs des hôtels particuliers, flottait dans l'atmosphère. D'ici une minute, deux tout au plus, le Père Noël ferait une halte chez les plus impatients, et les exclamations se murmurerait dans cet air frais où la magie se répandait.

— Nous devrions rentrer.

Des arbres nus appréciant la caresse de la bise qui, dix ans auparavant, mordait vos joues, mon regard redescendit vers le visage de Tom. Ce visage semblable à de l'ivoire tant il était pâle et lisse d'où brillaient deux griottes assombries par la nuit. Ce visage qui exhalait le charisme tant ses mâchoires sculpturalement dessinées prônait la détermination, tant ses joues toujours finement crispées scandaient la ténacité.

Des doigts, à peine plus chaud que les miens, me surprirent. Ils enlaçaient ceux que, inconsciemment, tel un papillon attiré par la flamme, j'avais posés contre sa joue fraîche. Aussi fraîche et douce que la peau d'un serpent.

— Tes lèvres pâlissent, plaida-t-il, et minuit va sonner.

— Nous ouvrons les cadeaux le vingt-cinq au matin.

— Tu vas attraper froid.

Je haussai les épaules, indifférente à cet argument banal. Qu'il rentre s'il le désirait, mais je n'en éprouvais pas la moindre envie. Ici, sous la lune presque pleine, j'étais libre. Libre de danser si l'envie m'en prenait, libre de contempler le monde sans avoir à feindre ou parler. Sous cette lune presque pleine, dans cette rue où les voitures avaient cessé de circuler et où seule persistait la magie de cette nuit, j'étais libre de tout simplement exister.

Les bras écartés, la tête rejetée, je tournais sur moi-même, savourant l'air qui me vivifiait, qui me rappelait que je vivais, qu'une écharpe se glissa derrière ma nuque, me tira vers un corps exhalant tiédeur et ardeur.

— Rentre.

— Contrains-moi ?

Mon sourcil s'arqua ; le sien se renfrogna.

— Ne joue pas avec moi.

— Sinon, quoi ?

Sur ma nuque, la pression de l'écharpe me fit avancer. Je me heurtais, qu'enroulant le tissu entre ses mains, il réduisit drastiquement ma marge de manœuvre. Là, contre lui, je sentis les battements de son cœur s'emporter. Il frappait contre sa cage thoracique avec tant de force qu'il s'affranchissait du manteau, du pull et de la peau sous lequel il se cachait.

Péniblement, ma main y remonta. Elle s'y calait, témoignait que je n'avais pas rêvé, que ses lèvres proches de mon front, Tom murmura dans la nuit :

— Sinon, je risquerais de commettre une erreur que je regretterais.

À cette réalité, je déglutis, la gorge serrée.

— Bien sûr.

La déception me restituant la clarté dérobée par l'alcool, je me baissai avec vivacité et lui échappai, le cœur lourd de cette confidence. Un contrat l'avait fait venir ce soir, mais qu'en était-il des autres soirs, des autres invitations qu'il avait honorées ? Un contrat prévoyait sa loyauté, mais qu'en était-il de ces instants volés, de ces rapprochements qu'il instiguait ? Ces signaux, ce chaud et ce froid qu'il soufflait en permanence, je ne les inventais pas ; ils existaient. Alors pourquoi cette méchanceté ? Pourquoi reculer lorsqu'il était celui qui se rapprochait ? Était-ce un jeu ? Un jeu tordu dans lequel il lui fallait me faire succomber ? Cherchait-il à ravir mon cœur dans le but de me torturer, de me dominer ? Évidemment que oui.

Tel est pris...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant