Chapitre VII

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Le sachant sur mes pas, mes jambes deviennent de la guimauve. J'ai l'impression de ne plus arriver à marcher correctement, aussi, je ne tarde pas à me tordre la cheville dans une butte de terre.

— Le paradis, tu dis... relève-t-il en me rattrapant par la main. Ses doigts enlacent les miens, mais je n'ai pas le temps d'en apprécier la sensation, qu'il les retire une fois mon équilibre retrouvé.

— Mais, c'est justement ce qui fait le charme du coin. L'imperfection est ce qui donne du caractère et de la voluptuosité à toute chose, non ?

Sa bouche se contracte, mais aucun son n'en sort, il reste silencieux, contemplant les hectares de paysage vierge. Ses yeux s'attardent en direction de mon endroit préféré, sans ménagement, je lui agrippe le bras et l'entraîne pour assouvir sa curiosité.

— C'est ça qui m'a clairement poussé à craquer, lui avoué-je une fois devant.

Marvin découvre le doux ruissellement de la rivière, que la végétation dissimule et son menton se lève en direction de ce qui a fait chavirer mon cœur. Sur la droite, un arbre massif, bien plus grand que les autres renferment dans ses branches, une vaste cabane. Ses paupières se plissent, je contemple cette brève expression, que je n'ai jamais eu l'occasion d'apprécier lors de ses sorties publiques.

— Sérieusement, une cabane ? On peut la visiter ?

— Viens.

J'enlace sa main, désireuse de revivre ce rapprochement, et le dirige vers la petite échelle cachée derrière le tronc. Nerveusement, il retire sa paume de la mienne, évitant mon regard et attend toujours dans un mutisme pesant que je l'invite à monter.

— Après toi, l'encouragé-je déçue de son geste.

Par cette distance, il me plonge dans ma triste réalité. Près de lui, je romance l'instant, guidée par la pulsion du fantasme qu'il m'insuffle. Je divague dans une fausse intimité que je désire ardemment. Je chasse ce ressentiment, suis son ascension, amère de ne pas avoir ce rapprochement physique que je souhaite tant. Je ne sais pas si je pourrais supporter de le voir encore. J'ai l'impression d'être une enfant devant un bonbon à qui l'on a interdit d'en savourer la gourmandise. Il prend son temps pour pénétrer l'espace qu'il contemple tel un gamin. Le bleu de ses yeux brille de mille éclats et un demi-rictus vient parfaire ce tableau.

— Eh bien, j'aurais acheté le mas rien que pour ça moi aussi, avance-t-il en entrant.

— Ma foi, je suis donc heureuse de l'avoir vue la première, souris-je.

— Inutile, de te demander si tu me céderais juste la cabane ?

— Non, c'est inutile, et peine perdue en effet.

— Es-tu vraiment sûre que rien ne pourrait te faire changer d'avis ? insiste-t-il sournois plongeant ses iris dans les miennes.

— Marvin, j'en suis certaine. Cet espace est mon refuge, je ne m'en séparerais pour rien au monde.


Prenant soin de ne pas le toucher, je l'invite à me suivre près de la modeste ouverture qui fait office de fenêtre. De mon index, je tapote mon oreille l'incitant à tendre la sienne. Nous nous faisons face, envoûtés, ancrés l'un à l'autre presque coupé du monde. Seul le chant des oiseaux, qui subliment à merveille le doux bruissement des feuilles nous maintient dans la réalité. Le petit air qui s'immisce évente quelques-unes de mes mèches les faisant virevolter jusqu'à sa joue. Je ne peux m'empêcher de mordre ma lèvre devant l'intensité de son regard.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant