Chapitre XXXI

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Après plusieurs cosmopolitains, j'ose enfin me lancer. J'ai bien analysé la façon dont snid joue et je suis prête. J'accepte les jetons qu'il me donne et commence à miser. Si je perds les deux premiers tours, mon premier 21 fait battre la chamade à mon cœur. J'adore cette adrénaline, cette attente de voir si oui on non, je gagne la banque. J'enchaîne les victoires et m'amuse comme une folle. La palpitation atteint son ultime palier quand je fais encore un Black Jack.

— Bien, bien, même si j'apprécie t'observer multiplier nos gains une petite pause te dirait ?

— Oui, avec plaisir, arrêtons-nous avant que la chance du débutant ne se fasse la malle, ricané-je.

— Tu as faim ?

— Pas vraiment, j'ai plutôt envie de boire.

— Aurait-on un chagrin à noyer ?

Je croise son regard attendrissant avant de reporter mon attention sur mon verre.

— Je m'excuse, je dois me rendre aux toilettes, feins-je pour ne pas avoir à répondre.

Il acquiesce d'un signe de tête m'indiquant la direction. Je file à toute vitesse, l'esprit quelque peu vacillant.

Quand je trouve enfin l'intimité de ses magnifiques WC tout en marbre, un sanglot déchirant me surprend. Avec prudence, j'avance en direction de la cabine dont il provient sans avoir le courage d'intervenir. Ce n'est que lorsqu'il devient plus puissant, pareil à un cri animal, que frappe à la porte. Les pleurs cessent, mais une agitation certaine comble le silence.

— Est-ce que tout va bien là-dedans ? murmuré-je.

— Barrez-vous, il n'y a aucun spectacle ici.

Si les termes sont assez clairs, je décèle un accent américain très marqué.

— Je ne voulais pas vous importuner, est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ?

Sur mes derniers mots, la porte s'ouvre à la volée. Ma stupéfaction est aussi grande que mon désarroi.

— Tiens, c'est toi ! grimace la plantureuse brune.

— Serena$ ? osé-je timidement.

Si je prononce son nom avec plus d'interrogation que d'affirmation, c'est que la jeune femme ne ressemble plus trop à l'image que j'avais d'elle. Son teint est cireux, ses pupilles dilatées, le regard cerné de noir et ses lèvres habituellement pulpeuses, son couvertes de gerçures.

Elle croise son reflet dans l'immense miroir qui lui fait face avant de transformer son expression en grimace d'écœurement.

— Elle-même et dans toute sa splendeur.

Puis telle prise d'une crise de folie, elle se met à rire comme une hystérique. Je ne suis peut-être pas une experte, mais je décèle clairement que quelque chose ne va pas.

— Est-ce que je peux t'aider ?

— Tu sais, je vois ce qu'il lui plaît, c'est dommage qu'il n'ait pas assez de couilles pour t'ouvrir son cœur. De couilles, c'est marrant, non ? Tellement ironique, tu ne trouves pas ?

— Pardon ?

— Ouais, évidemment, tu n'es au courant de rien ! Je peux te concéder que j'aime Marvin plus que tout, mais je reconnais qu'avec toi il a foiré grave.

L'évocation de son nom me fait monter les larmes aux yeux, peut être est-ce la boisson qui me rend si émotive, en tout cas, je peine à maîtriser mes sentiments.

— Est-ce qu'il t'a dit ce qu'il été pour moi ?

Négativement, je remue la tête.

— Évidemment, il est un vrai gentleman cet homme ! s'amuse-t-elle en enroulant une mèche autour de son doigt.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant