CHAPITRE IV

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   Une tasse à café fumante dans la main gauche et la droite qui tape frénétiquement sur mon clavier Bluetooth connecté à ma tablette, je puise mes dernières inspirations du fin fond de mon âme.

Bien que j'apprécie New York, ma Provence natale me manque terriblement. On m'a vendu une chambre avec une vue splendide ! J'ai été hyper déçu de constater que nous n'avons pas la même définition du mot splendide. Un paysage avec des hectares de champs, ça, c'est une vue à couper le souffle, pas des tonnes de buildings collés les uns aux autres. Tout ce béton et cet acier m'étouffent, j'ai besoin de grand air, de vignobles, d'olivier... Je suis sûre que si l'Eden existe, il ressemble à la Provence, enfin mon Eden, en tout cas. Il ne suffit que d'une chaise longue sous un olivier, un champ de lavande à proximité qui parfume l'air, mais, assez loin pour qu'il n'y ait pas d'abeille qui me tourne autour, le chant des cigales... Ça, c'est le paradis, c'est ce dont j'ai toujours rêvé, pouvoir m'offrir un mas provençal et c'est une question de jours maintenant pour que cela se réalise. Je suis sûre que personne n'aurait misé un euro sur moi pas même mon père qui m'a constamment traité comme une bonne à rien. Dommage qu'il soit mort avant de voir ce que j'ai pu bâtir. Et encore que je suis certaine qu'il aurait trouvé une réplique bien sanglante pour expliquer mon succès.

Je chasse le souvenir de mon géniteur pour finaliser enfin le happy end de mes deux protagonistes lorsque mon portable émet d'agaçantes vibrations que j'ignore. Je déteste être emmerdé alors que je suis en pleine frénésie d'écriture. C'est toujours pareil, quand tu ne fous rien de ta journée, il n'y a pas âmes qui vivent pour prendre de tes nouvelles, mais pendant que tu es occupé ça n'arrête pas. Bon, il faut dire que ma liste d'amis s'est considérablement agrandie comme par enchantement depuis que ma tronche passe à la télé. C'est dingue, le nombre de personnes qui m'aime et qui veut savoir comment je vais maintenant que j'ai du succès. Cela dit, je m'y attendais un peu, même si ce milieu m'est totalement étranger, ce n'est un secret de Polichinelle pour personne que l'argent rend beau et hyper populaire auprès de gens qui n'en avaient strictement rien à cirer de vous deux jours avant. Étant certaine d'avoir affaire à ce genre d'anciens nouveaux amis qui me souhaitent du bien, je ne prête plus aucune attention à mon téléphone et perds complètement la notion du temps.

J'écris sans relâche et octroie la magnifique fin qu'elle mérite à mon personnage principal, ce qui trace un fier sourire sur mes lèvres. Le point final de ce roman est pareil à un accouchement, je me sens vide et surexcité à l'idée de le faire lire à mon éditrice à qui je l'envoie directement sans relecture ni correction. Je lui dois bien ça, elle qui attend depuis des mois, je la voyais pâlir à chacun de nos rendez-vous avec la plateforme de streaming, priant sûrement, intérieurement pour que je sorte cette suite un jour. Tout le monde a pris de gros risques en investissant sans même connaître l'issue de l'histoire et je reconnais que, cet excès de confiance, je le dois surtout au buzz que la première partie a fait sur les réseaux ; parfois, les choses sont inexplicables, il y a ce petit quelque chose qui vous propulse en haut de l'affiche et dont le départ reste un mystère. Mais soyons sérieux, je ne vais pas m'en plaindre, j'accueille cette gloire comme elle arrive et je vais en apprécier chaque seconde, ayant trop peur qu'on vienne me la reprendre.

Le ciel orangé met fin à toutes mes pensées faisant ressortir mes projets nocturnes pour lesquels je dois sûrement être en retard. Les yeux piquants de cet excès d'écran, je me précipite sur mon téléphone et consulte les dizaines d'appels manqués. Comme je l'avais imaginé, certains ne sont que de profiteurs, mais les plus insistants sont ceux de mon éditrice.

Les dents plantées dans ma lèvre inférieure, j'entends la sonnerie qui me sépare de mon interlocutrice. Je sais qu'elle n'a pas eu le temps de lire ce que je lui ai envoyé, mais que son coup de fil concerne le bal de charité où je suis attendu.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant