Epilogue

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Les quelques remous de la mer font glisser ma tasse que je parviens à rattraper de justesse. Encore un peu sous l'effet du sommeil, je profite du soleil qui caresse ma peau sous l'air marin rafraîchissant. Je repose ma tablette, admirant Marvin qui se tient fier derrière la barre. La vie peut parfois être pleine de surprises, on traverse des périodes tellement sombres que l'on peine à croire que le soleil brille toujours après la pluie. Les tempêtes si fortes soient elles, nous laissent des cicatrices certaines fois impossibles à refermer. Mais le temps, s'il ne guérit pas les blessures, nous apprend à exister avec.

Délicatement, j'enlace mon dieu du rap dont le torse nu chaud fait frissonner ma peau. Je parsème ses épaules de baisers avant de dessiner le contour de ses tatouages de mes doigts.

— Je pense jeter l'ancre ici, m'indique-t-il vers l'horizon.

— C'est parfait, acquiescé-je.

Je suis tellement apaisée, tellement reconnaissante de la vie que je mène aujourd'hui. Depuis notre conversation dans la cabane, des tas d'événements se sont produits. Déjà, Marvin a partagé avec ses fans son terrible secret. Bien sûr, il l'a fait à sa manière, en sortant un morceau dont il se moque de lui-même. Il évoque son cancer : cancer des testicules qu'il parodie en rigolant de lui-même rappant sur sa couille plastifiée. Oui, c'est ainsi qu'il la nomme : ma couille plastique. C'est à ce moment-là qu'il m'a avoué avoir subi une ablation et avoir remplacé sa bourse perdue par une prothèse.

Comme à son habitude, il s'est hissé en haut du classement des ventes. Ses réseaux ont été inondés de millions de messages de soutien, de remerciements et d'encouragements. Après avoir révélé son dur combat contre l'addiction, il partage avec ses fans et le monde, le deuxième plus grosse bataille de sa vie et contre laquelle il est impossible d'avoir le moindre contrôle : la maladie. Nous avons énormément parlé à ce sujet, sur ses craintes d'une rechute, sa peur de me faire subir sa maladie. Il a pris le temps de mon conter en détail chaque épreuves et étapes de son parcours. Je retrouve en lui ce qu'il y avait en Mars The Marshall dans nos conversations et que j'aimais par-dessus tout.

Sa révélation a eu pour effet un dépistage massif, les gens se sont sensibilisés. S'il est plus facile d'évoquer le cancer du sein chez la femme, il est plus difficile d'aborder celui des testicules chez les hommes. Enfin, été, car grâce à lui, des campagnes de préventions fleurissent un peu partout et des dons contre la lutte pour le cancer ont explosé. Admiration et fierté de plus que j'éprouve envers lui. J'ai espoir que les recherches parviendront bientôt à éradiquer ce fléau qui nous touche tous de près ou de loin.

Les quelques mèches échappées de mon chignon viennent chatouiller sa peau lui arrachant un profond soupir.

— Qu'as-tu prévue pour aujourd'hui ? me susurre-t-il.

— Abuser de toi.

— Vraiment ? s'amuse-t-il. Même après cette nuit charnelle sous les étoiles ?

Mes dents s'enfoncent dans mes lèvres à l'évocation de cette merveilleuse nuit passée avant que sa bouche ne percute la mienne.

Tout est décuplé près de lui, intensifié. Peu importe mes nouvelles épreuves à traverser, je sais que tant qu'il sera près de moi, ça ira.

Il nous a fallu du temps pour parvenir à cette sérénité, après l'aveu de sa maladie, nous sommes entrés en conflit sur notre différence d'âge. Quinze années ce n'est pas rien, enfin pour lui, car pour moi cela ne signifie absolument rien. À part que je vis pleinement chaque instant. Je ne me projette pas, ne planifie rien sur le long terme. Et je ne permets à personne de décider à ma place ce que je souhaite pour mon avenir. Je désire juste vivre intensément. C'est pour ça qu'aujourd'hui nous sommes sur ce bateau.

Nous avons, pour répondre à nos aspirations les plus folles, inventé le tableau de nos envies. Nous remplissons la colonne qui nous est réservée, par tous nos désirs. Je rêvais d'une balade en mer, nous avons donc passé notre permis bateau ensemble et n'avons pas tardé à embarquer. Je crois que c'est le vœu le plus extravagant. Les autres sont assez simples. Pique-nique dans les vignes au clair de lune, une soirée à la patinoire, apprendre à coudre, faire des cupcakes, s'inscrire à des cours de dessins et même de guitare... Toutes ces petites choses que l'on remet habituellement à demain, nous nous les sommes fixés comme des objectifs à atteindre à court termes.

Alors bien sûr on se limite à un souhait chacun par mois, nous avons toujours nos boulots, qui nous prennent beaucoup de temps. Le tournage du film avance bien, ma collaboration avec Snid est sur le point de voir le jour et le lancement officiel de la maison d'édition est pour le mois prochain. Kelly gère parfaitement cette partie, malgré sa maladie qui l'empêche de temps en temps à faire la part des choses, elle s'accroche et se relève après chaque chute. Car c'est ça la vie. Nos victoires se comptent aux nombres de fois où l'on réussit à se relever. Avec du recul, je ne vois plus la petite fille triste et perdue, je perçois la jeune femme qui s'est battue pour en arriver là. Le chemin est long et parfois nos galères s'enchaînent tellement que l'on se noie sous autant d'emmerdements et tragédies. Pas à pas on se redresse, le dos d'abord courbé, on avance, affichant de nouvelles cicatrices. Elles sont comme nos rides, une partie de notre histoire.

Je suis admirative des gens qui m'entourent. De serena$ qui vient d'intégrer une énième cure de désintoxe et qui tente de reconquérir son mari et être une mère attentionnée à Marvin qui n'a plus peur d'affronter le regard des autres, ils sont un exemple d'espoir et courage. Tout comme Kelly, qui apprend à vivre avec sa pathologie, que Marvin a d'ailleurs avoué avoir prise financièrement en charge, recommence une vie à partir de rien.

Même si David fait à présent partie de son quotidien, je m'arrange pour être près d'elle lorsqu'il doit s'absenter. Ce n'est pas toujours évident, car nous partageons notre temps de résidence entre les États-Unis et la France. Je ne peux pas me passer des cigales et lui de ses huit salles de bains.

Chacun fait preuve d'altruisme en acceptant de vivre six mois de l'année chez l'autre non sans concession. J'ai emménagé une bibliothèque là-bas quand lui a commencé une collection de vinyle ici. Le fait que Kelly travaille sur place me rassure, je sais que le mas reste toujours en activité, j'ai d'ailleurs invité Kelly à occuper la maison pendant nos absences. Je lui ai seulement interdit l'accès à ma cabane. Mon sanctuaire est précieux, ce qui la fait rire, car elle appelle l'endroit, je cite : la cabane à cochonneries. Je suis donc tranquillisée, étant certaine qu'elle n'y mettra pas les pieds.

En ce qui me concerne, j'ai obtenu mon bac en candidat libre quand lui a créé son label. Il a trouvé mon idée de maison d'édition géniale et s'est dit inspiré pour entamer sa deuxième carrière, celle de producteur.

La vie suit son cours, peut-être devrions-nous affronter quelques épreuves difficiles, c'est pour cette raison que nous ressentons pleinement et intensément chaque précieuse minute que nous partageons. Je ne peux que conseiller aux autres d'en faire autant.

Partons du principe que nous nous infligeons nos propres limites, et que nous ne devons pas attendre d'autrui ce qui doit venir de nous-mêmes... Peut-être serions-nous en mesure de voir que tout est réalisable, si nous laissions tomber ses barrières et ces freins que nous nous imposons, peut-être est-ce ça la clé du bonheur après tout.

Main dans la main face à l'immensité de l'océan, nous ne sommes non pas tournées vers l'avenir, simplement concentré sur notre présent, ce qui lui offre une saveur exquise...

— Tu es mon éternité Marvin Marsen, quoi qu'il arrive et peu importe le temps qu'il nous reste ensemble.

— Peu importe, de quoi sera fait demain, Mia, tant que tu es à mes côtés, je suis prêt à l'affronter.

Des milliers de je t'aime échangés sans jamais être clairement prononcés. Car quand on trouve sa moitié, quand on trouve enfin son grand amour, nul mot n'est assez fort pour décrire la puissance de cette attraction. Laissons parler les regards, même ceux de glace...

FIN.

*** un immense merci à tous ceux qui ont suivie cette histoire et plus particulièrement à isabelleboissonnot qui en commentant et likant m'a donné toute la force pour finir enfin cette histoire.
J'espère que cet univers vous a plu en attendant je reprend mon histoire Joyeuse Cocue, une romance de Noël.
À très vite, angélina.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant