Chapitre XXIX

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Emballée par ma propre frénésie, ce n'est qu'au bout du troisième message que j'accorde enfin de l'importance à mon téléphone. Le premier de Kelly me fait sourire, car elle m'informe que tout se passe bien pour elle, le centre de repos dans lequel on l'a transférée l'apaise. C'est une bonne nouvelle, même si j'ai conscience que ce n'est pas demain la veille que nous allons nous revoir, savoir que les médecins ont pu mettre un mot à son mal être est un soulagement. La bipolarité dont elle pâtit va enfin pouvoir être traitée. J'admire sa force et la délivrance qu'elle a ressentis lorsqu'on posait finalement un diagnostic à sa souffrance. Je ne sais pas si j'aurais accepté cette vérité avec autant de calme que celui dont elle fait preuve. Les autres messages sont d'Aurore, apparemment le rappeur marseillais a quelques idées dont il aimerait me faire part. Il souhaiterait que l'on se rencontre à nouveau et n'ayant rien de prévu pour l'instant, je réponds à mon éditrice qu'elle a le feu vert pour nous organiser tout ça.

La perspective de le revoir me met en joie, pouvoir partager avec quelqu'un autre chose que du drama me procurera le plus grand bien. Toutefois, mes vieux démons ne dorment jamais assez longtemps et toujours en manque d'un certain dieu du rap je farfouille réseaux et autres sites de commérages en tout genre pour avoir de ses nouvelles. Mes recherches restent assez vaines, seul un article le déclarant en couple avec la sulfureuse rappeuse m'arrache une grimace.

Je savais que nous n'avions pas d'avenir, mais j'avais besoin d'encore un peu de lui, encore un peu de nous. Son regard me hantera à jamais, celui qui m'a laissé concevoir qu'il éprouvait un petit quelque chose à mes côtés, celui que je me suis sans doute imaginé pour flatter mon ego...

L'âme toujours en peine, je souris lorsque j'ai confirmation d'un rendez-vous avec le rappeur marseillais ce soir même. J'ai grandement besoin de penser à autre chose, de couper un peu avec ce tas de soucis qui m'attriste. Il est temps de mettre sur pause mes problèmes et me concentrer sur le boulot. J'ai la chance de vivre de quelque chose qui me passionne et transcende, je n'ai même pas l'impression de travailler, je dois rester focus là-dessus. C'est pourquoi j'ouvre mes notes et reprends les premiers chapitres déjà rédigés. Plusieurs heures passent, j'ai toujours l'éternelle difficulté avec mes débuts d'histoire, je réécris sans cesse le démarrage. J'ai du mal à me mettre en confiance, quand bien même j'ai un peu plus d'expérience et que je suis plus à l'aise, je manque d'assurance. Lorsque je me relis, je me sens vide, il manque ce quelque chose qui fait la différence. C'est frustré que je ferme mon document Word. Il ne me reste plus beaucoup de temps pour me préparer de toute manière, Aurore m'a prévenu qu'un Uber m'était commandé pour 18h00 et il est déjà 17h30. Avant de filer sous la douche, je rassemble mes notes et tout ce que je compte lui présenter. Je ne veux rien oublier, j'ai adoré notre dernière entrevue et j'ai peur de ne plus avoir l'occasion de lui partager mes idées. Surtout parce que mon inspiration est vraiment quelque chose d'étrange qui se matérialise de façon aléatoire. J'ai un peu de mal à gérer mes sessions d'écriture. Parfois, je prévois tout, toutes les conditions sont optimales pour écrire, mais ma feuille reste désespérément immaculée. Enfin, je vais éviter de penser à ça maintenant je vais me bloquer à trop réfléchir. Après avoir enfilé un jean brut et une chemise de satin blanche, j'ai à peine le temps de poser du mascara sur mes cils que la sonnerie du portail retentit. J'attrape mon sac à la volée en vérifiant une énième fois que je n'ai rien oublié et fonce vers l'extérieur.

À mon approche, Snid lui-même ouvre la portière, côté conducteur, et sort me saluer.

- — Oh c'est toi !

— Oui, salut, je pensais que cela serait plus pratique de venir directement te prendre, mais si ça te dérange...

— Salut, non, pas du tout, j'en suis ravie, lui souris-je avant de m'installer sur le siège passager.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant