Chapitre XIX

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Mia

L'odeur de ses œufs brouillés au bacon m'arrache de discrets grognements et je remercie mon ventre de ne pas me faire remarquer et me foutre la honte. C'est bien le genre de chose dont on ne parle jamais dans les films, mais oui, le ventre qui gargouille, les pets, tout ça n'est pas très glamour... Oh, merde, pourquoi je pense aux pets ? Pitié, faites que je ne largue pas une caisse ou qu'une grosse envie d'aller aux toilettes ne me prenne. Remarque avec sept salles de bain, il doit avoir au moins dix-huit chiottes, il ne me tiendra pas rigueur si je lui en condamne un.

— Ça va ? Tu as la mine préoccupée ?

Mon moi intérieur ricane bêtement, et j'adopte un air désinvolte, espérant qu'il ne lise pas dans les pensées, sait-on jamais.

— J'ai envie de te poser une question, mais j'ai peur que cela soit trop personnel ?

Son expression se durcit, j'ai l'impression qu'il hésite, cependant il finit par m'inviter de signe de la tête à poursuivre.

— Eh bien, je me demandais si tu avais un rituel précis pour écrire ? Je veux dire si tu te mets en condition ?

— Tu es en pannes d'inspiration pour la suite, s'amuse-t-il ?

— À vrai dire, j'ai la volonté d'écrire, mais je n'ai pas de sujets forts, je n'ai pas les tenants et aboutissants d'un hypothétique commencement de quelque chose.

— Finis tes œufs et je te montre.

Mon cœur palpite à tout rompre, qu'il m'offre autant d'intimité, me réjouit et me touche avec beaucoup d'intensité. Je ne me fais pas prier pour engloutir son excellent plat et attends sagement découvrir son antre trépignant d'impatience.

— Allez, viens, je vois que tu en meurs d'envie... mais avant, je peux savoir si les œufs ont plu à madame ?

— C'était parfait, susurré-je.

Je me retiens d'en dire plus, car il n'y a pas que son repas qui flirte avec la perfection. Tout est parfait depuis que je l'ai rencontré. J'ai des frissons rien qu'en l'apercevant, un irrésistible besoin de coller mes lèvres aux siennes. Son attitude froide et distante ne me repousse pas, au contraire, elle me donne envie de me rapprocher d'autant plus. J'imagine qu'il tente de maintenir les gens loin de lui, comme s'il s'enfermait dans une bulle... je connais bien ça moi, s'enfermer dans une bulle bien confortable de solitude, je suis contente qu'il m'y ait fait entrer, ne serait-ce que temporairement.

Je saute du tabouret et le suis à travers un long couloir. Il n'y a rien à dire, je ne sais pas qui a sélectionné la déco, mais tout est agencé avec beauté et soin. On pourrait croire à une atmosphère austère à cause de ces couleurs brutes, mais la disposition et les matériaux luxueux choisis offrent un côté raffiné.

Il s'arrête enfin devant une porte qu'il déverrouille en me scrutant du coin de l'œil, un demi-sourire au coin des lèvres.

— Voilà, c'est ici que j'écris la plupart du temps.

La pièce est assez grande, le blanc est prédominant et fait ressortir le mur du fond ou est exposé, je ne sais pas trop quoi...

— Ce sont des cassettes, m'explique-t-il devant mon regard perplexe. J'en fais la collection.

— Waouh, c'est impressionnant, il y a en combien ?

— Je dirais plusieurs centaines

— Magnifique, et la chèvre là ? C'est ta muse ?

Je pointe du doigt le tableau qui orne le mur en face de son bureau attendant sa réponse.

— Non, je trouve juste qu'elle ait sa place ici.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant