Chapitre XII

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Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit, ou plutôt, chaque fois que je le faisais, la sensation de ses lèvres chaudes sur les miennes jaillissait. À certains moments, c'est le malaise constant de ma jeunesse qui se rappelait à mon bon souvenir, sûrement parce que j'ai agi en vraie gamine hier. J'ai tourné dans ma tête mon geste en boucle et je ne comprends toujours pas ce qui m'a poussé à me comporter de la sorte.

Ce genre de chose ne m'est jamais arrivé et malgré toute l'humiliation qui m'accable, je décide de le rejoindre. L'attraction que je ressens pour lui est bien trop forte, le désir de sa proximité insoutenable..

Je connais bien le vignoble dont il m'a parlé, je passe obligatoirement devant pour accéder à ma propriété.

N'ayant pas prit la peine de spécifier l'heure, je me hasarde à me pointer pour dix-huit heures, j'étais trop honteuse pour lui demander plus de précision par mail. Et puis, les Américains mangent tôt, cela me semble donc convenable. Comme je n'ai aucune idée de l'endroit qu'il a choisi, je n'ai pas non plus tout misé sur ma tenue et reste assez simple.

Quand j'arrive face à l'immense portail en fer forgé, plusieurs personnes sont en postes devant les grilles. Je n'ai pas besoin de me présenter que l'on m'ouvre en me saluant de mon nom. J'arpente le petit chemin de cailloux blancs me fiant aux voitures et aux bruits ambiants pour toucher mon but. La musique m'interpelle en provenance des vignes, c'est donc la direction que j'emprunte. Le monde et l'agitation alentour disparaissent, ne me laissant apprécier que le spectacle de l'homme que j'admire le plus. Il est vêtu tout de noir, seuls ses bijoux dont l'or accroche les rayons du soleil égayent son ombre.

Il rappe avec force, vivant son morceau, ses gestes décrivent sa puissance et toute la passion qu'il met dans son art. Cette vision, aphrodisiaque ranime mon désir, je ferme les yeux et me demeure happer par son univers, par son monde. Quand je les rouvre, il plonge en moi un regard dont l'intensité hurle sa douleur. Tout son passé de gamin abandonné, ses années noyées dans l'alcool et les cachets une fois sa destinée embrassée ressurgissent. Il est habité par cette rage, cette tristesse, celle que j'ai bien trop eu l'occasion d'observer moi-même dans le miroir. Chaque geste est souffrance, chaque parole devient un cri du cœur.

Marvin entame le dernier couplet, toujours ancré dans mes yeux, si ma timidité m'oblige en tant normal à baisser la tête, je ne peux m'y résoudre. Je suis hypnotisée parce ce qu'il dégage, inexorablement envouté. Reliée à son être, sa voix, comme un lien invisible qui m'agrippe, je ne peux me détacher de cet homme.

— Hey, salut, me fait sursauter David.

— Oh, salut, j'ai eu peur, je ne t'ai pas entendu arriver, soufflé-je la main posée au-dessus de ma poitrine.

— Désolé, je pensais que tu m'avais vu, s'excuse-t-il les sourcils froncés. Il scrute à son tour la source de mon inattention avant de reprendre :

— Je peux t'être utile ?

— Non, merci, j'attends juste Marvin, on a quelques détails à régler, mens-je consciente qu'il a assisté à la scène d'hier.

— OK, il ne devrait plus en avoir pour longtemps, en tout cas, n'hésite pas, si tu as besoin.

— Merci.

À peine parti, je ne tarde pas à être rejointe.

— Alors, que désirait fesses d'acier ? me souffle-t-il.

Mes joues se parent d'une rougeur cramoisie et décontenancée, j'entreprends une justification hasardeuse et sans courage.

— Ce n'est pas moi, qui lui donne ce surnom !

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant