Chapitre XIV

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MIA

Je parcours l'écran de mon téléphone comme si je pouvais caresser sa phrase.

Je suis touchée par ce mail, mais désemparée face à la manière dont nous nous sommes quittés. Il fait partie des meilleures rencontres que j'ai pu avoir dans ma vie, bon c'est vrai, que ce n'est pas difficile, j'ai quand même été beaucoup entouré de trou du cul, il n'en faut donc pas beaucoup pour mettre la barre plus haute...

Malgré ce petit pas qu'il fait vers moi, je ne réponds pas tout de suite. D'abord, car que je ne sais pas quoi lui dire, ensuite parce que je dois réellement passer la seconde. Je suis très en retard pour mon interview et Kelly trépigne dans le hall depuis maintenant une bonne dizaine de minutes. Elle m'a demandé de rester quelques jours supplémentaires et de m'accompagner à mes futurs rendez-vous. Sa présence est très appréciable donc évidemment que j'ai immédiatement accepté et puis c'est assez agréable de se sentir épaulé.

Attrapant mon sac à la volée, nous fonçons vers ma vieille Clio qui contraste à merveille avec mon mas.

— Franchement, je te remercie de m'embarquer avec toi. Je suis tout excitée et puis au moins ça me permet de découvrir un peu ce qui m'attend quand moi aussi je serais connue.

Le dernier commentaire de mon amie m'interpelle, mais je n'ose pas lui faire remarquer que la célébrité n'a rien à voir avec ça, trop soulagée qu'elle aille mieux.

— Tu sais, j'ai bien réfléchi, continu-t-elle. Et tu as raison, je ne dois pas m'apitoyer sur mon sort, regarde-toi, tu as réussi donc je ne perds pas espoir. Et sans parler de J.K Rowling qui a essuyé un nombre incalculable de rejets pourtant aujourd'hui, elle est cotée en bourse ! s'exclame-t-elle en arrangeant sa frange.

— Oui, mais, tu sais, bien que je sois contente que tu sois remotivée à bloc, tu devrais fonctionner par étape. Tu m'as dit que quelques maisons d'édition t'ont présenté des retours assez détaillés pour expliquer leur refus, commences peut-être par regarder ton histoire sous un nouvel angle. Fais-la lire à des bêta-lecteurs par exemple ?

— Tu rigoles ou quoi ! T'es folle ! Je ne prendrai jamais le risque qu'on me vole mes idées.

Son côté paranoïaque m'arrache un sourire, car il est vrai que j'ai moi-même beaucoup de mal à faire confiance.

— Tu dois quand même bien trouver quelqu'un de sûr dans ton entourage ? Un proche qui pourrait avoir un avis critique et constructif ?

— Personne ne sait que j'écris dans mes amies, je ne veux pas que certaines personnes me démontent gratuitement. On n'ai jamais trop prudent, je suis consciente que la jalousie peut parfois pousser à des comportements...

J'allais répondre, mais je me ravise, car nous arrivons à destination. Sa remarque me laisse quand même dubitative, je pense que je lui en demanderai un peu plus dès que le moment s'y prêtera.

Toutes guillerettes, nous foulons le hall de l'immense hôtel captivé par tant de luxe.

L'interview passe à toute vitesse, une fois de plus, je feins un tempérament calme et sûr de moi. Je commence à être rodé, les questions sont constamment les mêmes et j'en connais chaque réponse par cœur en moins d'une heure l'entrevue est pliée. Je ne me suis laissé déstabiliser ni par le journaliste qui ne s'intéressait qu'à ma relation avec Marvin ni a ma copine qui m'incité à prendre des poses et des mimiques aguicheuses.

C'est soulagée que je vois le professionnel prendre congé même si je parviens à maîtriser l'exercice, cela reste toujours un peu épuisant de maintenir un sourire de façade.

Souhaitant encore profiter de ce lieu, j'invite la belle blonde à me suivre sous une pergola à l'extérieur pour déguster deux cocktails hors de prix.

L'ivresse augmente avec le nombre exponentiel de boissons que nous ingurgitons et c'est à ce moment précis qu'elle se décide à me tirer les vers du nez.

— Alors, tu vas finir par m'expliquer ce qui se trame entre Marvin et toi ?

— Ah ! Marvin Marsen ! m'exclamé-je à présent complètement saoule. Eh bien, je ne sais pas trop. À vrai dire, il est comme un glaçon dans un verre de pastis qu'on aurait le désir de sucer.

Nos éclats de rire nous valent quelques regards réprobateurs des pince-culs qui nous entoure et gênés par cette atmosphère prout prout, je nous commande un taxi pour rentrer. Hors de question de conduire dans cet état et j'ai très envie de continuer cette fin d'après-midi à picoler. Je profite du trajet et de la hardiesse insufflée par l'alcool pour répondre à ce dernier.

# Toi

Merci à toi pour ces hamburgers, il y a bien longtemps que je n'avais pas mangé avec un cul aussi pâle.

Un large sourire sur le visage, j'appuie sur la petite flèche et envoie ma réponse.

À peine arrivée chez moi, que déjà Kelly revient à la charge ! Mon ébriété amplifie mon envie de converser et sans retenue, je lui livre toute la fascination que j'ai pour cet homme.

— Je sais pas ce qui m'attire véritablement... Au début, j'admirais l'artiste, c'est vrai, mais depuis que je l'ai rencontré, je suis comme aimanté par tout ce qui émane de lui.

— Ça reste compréhensible, je réagirais pareil avec Robert Pattinson, accentue-t-elle en hoquetant.

— Ouais, je sais pas, ce n'est pas seulement physique tu vois, il est passionné par un tas de choses, il est brillant, charismatique, il dégage ce quelque chose d'envoutant, de profond... et j'ai adoré parler avec lui. J'en sais rien, il y a quelque chose que je n'arrive pas à expliquer.

— T'es accroc, c'est tout.

— Quoi ? N'importe quoi !

— Chérie, tu lui as carrément roulé une galoche en plein tournage ! s'exclame-t-elle en entrechoquant nos verres.

— Ouais, je sais, trop la honte, j'ai pété les plombs ! Je te dis ce mec me fait des trucs bizarres.

— Il EST bizarre, reprend-elle.

— Tu sais le plus curieux, il m'a mis une photo de son cul en fond d'écran de MA putain de tablette !

— Quoi ? Mais il est malade le type ! éructe-t-elle horrifiée.

— Ce n'est pas ça le plus dément, affirmé-je.

— Oh non, ne me dis pas qu'il t'envoie d'autres trucs chelou.

— Non, non ! Le plus dingue c'est que j'ai adoré ça et que j'ai laissé la photo ! finissé-je en fou rire.

— Bon, c'est vrai que c'est bizarre, mais peut être que vous êtes cinglés tous les deux et que vous êtes fait pour être ensemble, constate-t-elle dépitée.

Je glousse jusqu'à m'étouffer, il me faut quelques secondes avant de poursuivre sur une note mélancolique :

— Je ne pourrais jamais être avec un type comme lui, tu imagines le décalage ! Je me suis bien trop senti inférieur à des hommes dans ma vie, je ne pourrais plus revivre ça, ressentir encore et encore l'éternel sentiment de n'être qu'une ombre...

Sur ce vent de tristesse, nous haussant les épaules et trinquons une dernière fois avant de nous inventer un tas de scénarios aussi fous que varié concernant mon futur.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant