CHAPITRE II

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— Eh bien, Mademoiselle Valensol vous êtes plus explicite dans votre roman.

À ses mots, un doux frisson parcourt ma colonne, entendre mon nom presque susurré de cette voix que j'aime tant, me foudroie sur place. Je laisse le peu de courage qu'il me reste seul maître à bord pour lui répondre.

— Oui, vous avez raison, je suis juste un peu surprise, je vous imaginais plus grand, lancé-je bêtement toujours envoûté par sa prestance. Comme si je pouvais réellement apprécier sa taille alors qu'il est assis.

Ses lèvres se pincent sous ma remarque, mais il demeure impassible et dépourvu d'émotions. En même temps, il n'est pas homme à être réputé pour ses sourires.

Ma gorge se serre sous ce cruel manque de signe chaleureux et ce moment, que j'avais tant rêvé, devient cauchemar. Je me sens comme un lapin aveuglé par des phares, cet homme me déstabilise, me transcende, me fais perdre le peu de moyens que j'ai pu acquérir.

Je suis prise au piège d'une réalité que je n'avais imaginé que dans mes songes les plus fous. Moi, petite provençale, partie de rien et à qui tout le monde prêtait un avenir désastreux, se retrouve aujourd'hui face à ses rêves de jeune fille. Voilà ce que je devrais me dire : j'ai réussi, je suis là où personne ne m'attendait, même pas moi et pourtant, je n'ai rien lâché, jamais, alors pas question de se démonter maintenant ressaisie-toi ma grande !

— C'est la première fois que vous vous croisez ?

L'engouement du présentateur est palpable et le public se réjouit de la présence imprévue du Dieu du rap.

— Oui, effectivement, c'est pourquoi j'étais curieux de rencontrer celle qui me dépeint une vie sexuelle décadente et débridée ! me lance le beau brun dont mon regard peine à se détacher du sien.

— Euh, oui, ça reste une histoire fictive, bafouillé-je. Aucun homme ne fait ce que je décris en page quarante-cinq.

Mes paupières se plissent légèrement pour contenir la pression artérielle qui augmente encore un peu plus, serait-il possible de faire une crise cardiaque juste en étant face à ce que l'on admire le plus ? J'essaye de me ressaisir et me demande pourquoi tout le monde se met à rire, j'ai dû louper quelque chose en étant perdue dans mes pensées absurdes comme d'habitude.

Mes yeux s'écarquillent quand je comprends que le présentateur ouvre mon roman à la page dite et commence à lire le début d'une scène outrageusement érotique. L'air devient irrespirable surtout que je ne perçois plus que son parfum poivré et la chaleur de son corps qui m'entoure.

Alors qu'il m'allonge délicatement sur son grand lit king size, ma vision se trouble sous la vue de ce corps parfait dissimulé sous un large sweat-shirt gris à capuche qu'il retire avec doigté. Son regard bleu, brûlant de désir, toujours plongé dans le mien, accentue la passion dévorante avec laquelle il commence à me caresser...

J'imagine la couleur cramoisie de mon visage quand j'encaisse ces phrases qui sont pourtant miennes, je n'avais jamais entendu personne lire mon livre et encore moins devant le protagoniste en question.

— Houlà, je vais m'arrêter là. Je ne crois pas que nous puissions dire ce genre de chose à cette heure-ci à l'antenne, rigole-t-il. Mais c'est bien de cette page à laquelle vous faites référence ?

— En effet, acquiescé-je sans me démonter.

Je cache mon désarroi sous une grosse couche d'humour, j'espère que cela pourra me sauver la face, un tant soit peu.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant