Chapitre XXVI

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J'avance bien dans mon histoire et comme je cherche en vain à m'occuper l'esprit et ne plus penser à Marvin ou plutôt à son absence, je parle, enfin, je soule mon éditrice. Kelly ne me donnant toujours pas de nouvelle, j'avais besoin de converser sur ma nouvelle idée. Aurore est aux anges, grandement emballée par ma dernière inspiration, elle m'incite à me plonger dans l'univers du rappeur marseillais. Elle m'invite même à un rendez-vous qu'elle appelle, je cite « hyper important et déterminant pour la suite ».

Je me traîne jusqu'au lieu de rencontre ou plutôt je me laisse trainer. J'ai préféré prendre un taxi, je ne connais pas l'endroit c'est à une heure de chez moi et je n'ai pas envie de stresser comme une folle en ne comprenant pas les indications de mon GPS.

Je profite du trajet pour jeter un œil aux réseaux de Marvin, oui, je m'étais juré de ne plus regarder et j'ai tenu mon engagement pendant dix bonnes longues minutes. Cela relève déjà de l'exploit. Comme la dépendante affective que je suis, je n'ai de cesse de penser à lui. Peu importe ce qui accapare mon esprit, tout me ramène à lui. À sa façon d'être froid, distant, un peu à part. Au bleu glacial de ses yeux, à ses sourires cachés, la douceur de sa peau. Une larme tente de s'infiltrer à travers mes cils, une boule se forme dans ma gorge que je m'oblige à ravaler.

Je me pince les pommettes, toussote et me prépare à bondir de la voiture lorsque celle-ci s'arrête. Comme lors de mes interviews, j'affiche mon plus beau sourire en pénétrant l'hôtel dans lequel j'ai rendez-vous. De loin, j'aperçois Aurore m'adresser de grands gestes, ce qui met un peu de baume à ma tristesse. Qu'elle ait fait le déplacement depuis sa Picardie natale pour m'encourager dans ma nouvelle aventure me touche. Nous passons parfois des heures au téléphone dans des débats animés autour de l'écriture, alors qu'elle me suit encore dans cette histoire, qu'elle y croit si fermement qu'elle organise cette rencontre, me conforte dans l'idée que j'ai eu raison de rester près d'elle.

Après de chaleureuses embrassades, mon éditrice m'entraîne dans un de salon privé. L'atmosphère se fait lourde, une odeur de cigarette me pique la gorge et un hoquet de surprise m'échappe lorsque je l'aperçois. Ses cheveux mi-longs attachés avec soin, un mégot fumant coincé entre les lèvres, je perçois son regard insistant à travers ses lunettes noires, Aurore se racle la gorge et après quelques secondes presque figées la pièce retrouve vie quand tout un staff entre en piste. Plusieurs personnes s'agitent, se présentent et m'invitent à prendre place face au rappeur qui demeure stoïque. J'ose un pas en sa direction, avance nerveusement ma main lorsqu'il se lève d'un bond tout sourire. Il écrase sa cigarette dans le cendrier posé devant lui avant de serrer mes doigts.

— Elle est là cette petite gâtée dont on n'arrête pas de me parler, rit-il de sa voix rocailleuse.

Mi-flattée, mi-gênée, je serre sa main sans oser sortir le moindre mot. Certes, il n'est pas l'artiste que j'admire le plus au monde, cette place restera toujours réservée a celui dont je n'ai plus envie de prononcer le nom, mais tout de même. Je suis consciente de faire face à un des meilleurs rappeurs français de sa génération, ce qui me vaut d'être aussi impressionnée.

Il m'invite à prendre place un peu plus à l'écart du groupe derrière une cloison duveteuse rouge. Cette intimité me soulage, j'ai généralement du mal en société et si j'y additionne le fait qu'il m'intimide, le cocktail risque de m'être fort déplaisant. Alors qu'il me fait signe de m'installer, nous nous asseyons face à face. D'un geste assuré, il retire ses lunettes qu'il dépose sur la petite table entre nous.

— Mia Valensole, c'est bien ça ?

— Tout à fait, murmuré-je.

— Je suis ravi de faire ta connaissance, il paraitrait que nous pourrions avoir des idées convergentes.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant