Chapitre XV

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Ça fait deux jours maintenant que Kelly est réparti chez elle. Quarante-huit heures s'est écoulés depuis notre dernière cuite et je décuve encore, elles sont loin mes années de jeunesse où j'enchainais les nuits blanches.

Putain, trente ans, c'est un sacré cap en termes de fête. C'est indéniable, je n'ai plus la vivacité de mes vingt ans.

Ce constat amer en tête et la déception que mon mail soit resté sans réponse, je me suis enfermée tôt ce matin après être passée récupérer ma voiture à l'hôtel, dans mon refuge pour me consacrer pleinement à mes corrections. J'avoue que je suis légèrement partie en biberine en réécrivant des chapitres entiers, mais c'est uniquement de la faute à mon éditrice. Cette dernière m'a fait une remarque sur le comportement de ma protagoniste qu'elle ne trouve pas cohérent avec ses actes, des nerfs, j'ai tout effacé. Je me suis replongée dans mon récit, mais cette fois, j'y ai mis plus de nuances. Plus d'authenticité, je puise dans mes propres sentiments, je m'immerge complètement dans mon histoire, à certains moments elle devient si réelle que mon esprit me crée les parfaites images qui représentent certaines scènes.

— Eh donc, qu'est-ce que je dois faire pour que ça te serve de leçon ?

Sa voix dure me fait sursauter et mon cœur frôle l'explosion. La tension à son contact monte d'un cran, l'air alentour se raréfie, il me faut quelques secondes avant de pourvoir lui répondre :

— Putain de merde, on ne t'a jamais appris à frapper ?

— Et toi, on ne t'a jamais appris à fermer une porte. Tu sais que ton portail est grand ouvert ainsi que ta maison ! N'importe qui peut entrer, tu vas finir par avoir de drôles de surprises, BORDEL ! me réprimande-t-il un brin excédé sur la fin de sa phrase.

Le voir face à moi est surréaliste, la stupeur de sa venue estompée, une vague de chaleur se propage indécemment dans mon bas ventre.

— On est au fin fond de la Provence, pas à Chicago, me moqué-je tentant de freiner mes pulsions.

— Tu ne devrais pas rire avec ça ! Tu es une personne publique maintenant et donc une cible pour pas mal de tarés.

— Oui, ça c'est valable pour les stars de ton envergure, chéri, pas pour moi.

— Chéri ?

— Oui, j'adopte le style américain en donnant des petits surnoms affectueux.

— Serais-tu charmé par l'oncle Sam ? relève-t-il avec une certaine intensité dans le regard.

— Je dois reconnaître que bien des aspects de votre culture me plaisent assez.

Il fait un pas de plus et dépose un carton de pizza à côté de ma tablette.

— Sauf la mal bouffe, argumenté-je en le pointant.

— Pour ta gouverne, CHÉRIE, que c'est uniquement en ta compagnie que je mange ce genre de saletés, je fais très attention à mon alimentation d'habitude.

La douceur de ce surnom dans sa bouche m'électrise et je tortille mes doigts dans un vain effort de me détendre.

— Oui, c'est exactement ce que je me suis dit quand je t'ai vu taper dans les hamburgers, ironisé-je pour tenter de calmer mon malaise.

— Moque-toi si tu veux, mais je t'assure que tout cela est exceptionnel.

— Du coup, je peux connaître la raison de ton intrusion dans mon domicile, si ce n'est un nouveau prétexte pour m'accuser de te t'influencer à dévorer des aliments de mauvais choix ?

Il ouvre la boîte et commence à attaquer la pizza qui sent très bon, laissant un léger moment de flottement. Mon estomac me hurle de taper dedans aussi, mais je n'oserai jamais me servir tant qu'il ne m'y invite pas.

Par delà la fictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant