Chapitre 35

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Il était assis en tailleur sur sa serviette, le regard perdu dans l'océan, à peine conscient du vent qui jouait dans ses cheveux. Il entendait les rires des autres au loin mais ne parvenait pas à s'y rattacher pour revenir à l'instant présent. Voilà une semaine maintenant qu'il était parti – une semaine donc qu'il était emmuré dans son silence, prostré dans un mal être qu'il ne s'expliquait pas. Comment pouvait-il souffrir autant alors qu'il venait tout juste de se rendre compte de l'étendue de ses sentiments ? Même cet exil qu'il s'était lui-même imposé lui pesait.

Il soupira d'abattement et enfouit sa tête dans son coude.

Ses frères lui manquaient. Nolan lui manquait. Son métier lui manquait. Londres lui manquait. Tout lui manquait. Sauf elle.

Non, Lise ne lui manquait pas.

Penser à elle le fit frémir et sa réaction l'agaça plus encore. Bon sang ! Elle lui avait fait tourner la tête, elle s'était foutue de sa gueule, elle l'avait pris pour un con, il devrait la haïr, il devrait vomir sa présence, il devrait exécrer jusqu'à son souvenir et pourtant à sa simple évocation, il frémissait.

Voilà ce qu'elle a fait de moi, s'écœura-t-il. Lise avait annihilé son tempérament. Lui qui se targuait d'avoir un mental de fer, une volonté implacable et le verbe toujours franc, lui dont les journaux vantaient la farouche détermination qui l'animait et sa confiance en lui, lui qui était d'ordinaire si plein d'énergie se trouvait subitement accablé par toute la misère du monde. Son seul crime – et pourtant, Dieu savait combien il avait lutté contre – avait été de tomber amoureux de cette diablesse.

– Raphaël ! Allez, arrête de tirer cette tronche et viens te baigner !

Raphaël grogna. Qu'on le laisse faire le deuil de sa naïve jeunesse, c'est tout ce qu'il demandait ! Mais non. Quelle idée avait-il eu aussi ! Venir trouver refuge ici était une erreur de plus à ajouter à la liste déjà bien longue de son manque de discernement.

Il accorda un peu plus d'attention aux deux idiots qui se baignaient dans les vagues. Ses cousins. Ils ne se voyaient pas assez pourtant ils aimaient beaucoup passer du temps ensemble. Ils étaient tous les trois nés la même année, les parents d'Aly et Liam réussissant le fol exploit de donner naissance à une fille onze mois après l'arrivée de leur fils. Fondamentalement, le frère et la sœur se ressemblait beaucoup, tant sur le plan physique que psychologique, ce qui poussait souvent les gens à les prendre pour des jumeaux. En réalité, en venant les rejoindre à Plymouth, Raphaël savait pertinemment à quoi il s'exposait et c'est précisément ce qui l'avait poussé à quitter la capitale. Rien de mieux qu'un retour aux sources pour panser ses blessures et se sortir cette manipulatrice de Lise de la tête. Ce qu'il avait presque réussi à faire d'ailleurs !

...

Oh mais non ! A qui pouvait-il faire croire ça ! Il était loin, très loin d'avoir réussi ! Au contraire, chaque jour était un fardeau, une torture, un supplice et il passait littéralement ses journées entières à penser à elle. Il était rongé par la déception – d'elle, de lui. Un véritable gâchis qu'il ne s'expliquait pas et qui le tenait éveillé jusque tard dans la nuit. Le répit n'arrivait qu'avec le sommeil, à condition que celui-ci ne soit pas déjà accompagné de songes où la jeune fille revenait le tourmenter. Il se demandait souvent comment ils en étaient arrivés là et pourquoi le monde était aussi cruel pour le faire succomber au charme de sa meilleure amie avant de lui dévoiler que cette même fille n'était qu'une sale petite manipulatrice.

Raphaël se laissa retomber sur la serviette en échappant une lamentable plainte.

– Regarde Aly, c'est à ça que ressemble un homme amoureux, expliqua le nouvel arrivant à sa sœur alors qu'ils regagnaient leur serviette.

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