Assise sur le rebord de son bureau, Kacee examinait les photos qui venaient de lui être envoyées. Réajustant ses lunettes, elle étudia chacune d'entre elles avec la même minutie. Et le constat fut désolant. Certes elle n'était pas elle-même photographe, mais quand même, il ne fallait pas être un génie de l'art pictural pour voir la différence de registre entre ce qu'elle tenait dans sa main gauche et ce qu'elle avait dans la droite. Dire qu'elle avait cru faire le bon choix en opérant un changement de partenaire à la dernière minute. Quel échec cuisant. Elle avait bêtement pensé que si Nolan offrait un tel résultat avec Cara, alors peut-être en serait-il de même voire mieux avec cette grande rouquine américaine. Il semblerait que non.
Ce qui l'amena à réfléchir sur la tournure que prenaient les évènements récemment. Il y a encore quelques semaines, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Or, depuis que Raphaël était revenu à l'improviste de son stage, voilà que tout partait en vrille sans qu'elle n'eût son mot à dire. Suite à cela, Raphaël était reparti, Nolan faisait n'importe quoi, Lise semblait aux abonnés absents un jour sur deux et Cara... Bon dieu, Cara se rétractait sur un projet. Elle était bien bonne celle-là ! Elle qui avait toujours dit amen à tout au nom de sa sacro-sainte carrière, voilà qu'elle possédait enfin le Saint Graal pour réussir et... non, mademoiselle décidait que sa chanson ne serait pas rendue publique. Ces gosses, bon sang !
Kacee reposa toutes ces photos et repassa derrière son bureau. Là, elle raviva son ordinateur et consulta ses mails. Elle relut le mail que lui avait envoyé Raphaël. Là encore elle avait été étonnée que le jeune homme lui envoie un mail. Ses artistes ne lui envoyaient jamais de mail ; ils avaient toujours privilégié l'oralité... Alors que lui avait-il pris ? D'autant plus que quand l'agent américain s'était présenté, il n'était pas venu avec ladite Winnyfrields mais avec Selma. Bon, première incohérence. La seconde étant que cet agent prétendait ne pas être au courant de cet arrangement par mail. Et là-dessus, Raphaël Deacon se payait une petite appendicite (bon, d'accord, c'était quand même une grosse péritonite) et allait s'exiler quelque part sur la côte. Formidable.
Un nouveau mail attira son attention. Elle le consulta, prit quelques notes avant de s'arrêter, pensive. Elle devait impérativement ramener tous ses petits poussins dans le nid. Voilà bien trop longtemps que les Spectres n'avaient pas produit quelque chose. Il ne faudrait pas trop laisser libre le devant de la scène ; plus ils attendaient, plus le retour serait difficile. Et à cela s'ajoutait le dernier mail reçu : l'honorable Marc Jeeler les relançait pour son film. Film qui avait été décalé à cause du stage de Raphaël. Là encore, une chance que l'immense producteur apprécie le jeune homme car il aurait très bien pu décider de poursuivre son projet sans lui !
Kacee s'agaça de toute cette histoire.
– Ça suffit les conneries, commenta-t-elle en composant un numéro sur son cellulaire.
Elle ne les laisserait pas foutre leur carrière en l'air pour des histoires d'ados idiots ! Une première sonnerie retentit et elle se tint plus droite que jamais. Elle était leur patron. Mieux que ça, elle était le patron. Elle pianota de ses doigts sur la table, jurant ses grands dieux que s'il ne décrochait pas, elle le lui ferait regretter. Amèrement.
Et comme s'il eût compris que sa vie était menacée, il décrocha.
– Allô ?
Et elle ne lui laissa pas le choix.
A l'étage inférieur, Lise venait d'arriver à l'agence. Avisant l'heure, elle s'aperçut qu'elle était en avance. Mais que de changement ! se moqua-t-elle d'elle-même. Rien de mieux qu'un bon gros cœur brisé pour revoir ses défauts. Rien de pire que l'ennuie, surtout. Parce que c'était un fait ; Lise Cavendish s'ennuyait. Elle s'ennuyait de ses amis, mais deux d'entre eux s'étaient effacés du tableau et le dernier encore en lice était surchargé de travail en ce moment. Elle décida d'aller se poser en salle de repos, avant de se rendre au premier pour voir sa manager pour un petit débriefing matinal. Peut-être pourrait-elle rattraper les heures de sommeil qui lui manquaient. Or, lorsqu'elle passa la porte, elle n'eût plus l'intention de dormir. Devant elle se trouvait Cara. Celle-ci leva la tête et le silence gênant qui s'installa fit baisser la température de la pièce.
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Ouvrir les yeux
RomantizmJe n'ai rien eu besoin de plus que ton sourire pour tomber amoureuse. Tu as du charme, tu le sais ? Je me croyais immunisée contre ça, contre toi. Mais c'est ma faute : je n'aurai jamais dû avoir envie de te connaître, je n'aurai jamais dû avoir env...