Chapitre 44

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– Espèce de grosse connasse insupportable !

– Non, sérieux Lise, je crois que tu peux y aller plus fort.

– T'es qu'une sale pouffe, t'as voulu mettre la merde mais c'est toi, la plus grosse merde que j'ai jamais vue !

Cara, affalée sur son lit, plongea sa main dans le tube déjà à moitié vide de Pringles.

– Ouais, voilà, c'est un peu mieux.

Il n'en fallut pas plus à son amie pour poursuivre sa diatribe.

– C'est toi le nuisible, t'es qu'un pauvre cafard que j'écrase du bout du pieds. T'es tellement imbuvable qu'on ne te touche même pas avec un bâton !

Cara s'amusa de la dernière trouvaille de Lise, qui continuait encore et encore à insulter le fantôme de Winnie. Lise déversa toute sa colère et sa frustration, ne prêtant pas attention au volume sonore qui augmentait à mesure que les insultes se faisaient plus virulentes les unes que les autres. Totalement absorbée par la haine qu'elle vouait à l'idole américaine, elle en oublia quelques temps Cara, qui engloutissait chips sur chips. Lorsqu'enfin elle eut dit tout ce qu'elle aurait voulu dire à cette saleté de mannequin, elle s'arrêta, se tournant vers Cara, légèrement rouge et à bout de souffle.

– Et ben dis-donc, t'en avais des trucs à dire.

Lise se laissa tomber sur le lit, le regard fixé sur le luminaire accroché au plafond du petit studio de Cara.

– Je m'en veux de pas avoir su lui répondre plus tôt. Maintenant ça ne sert plus à rien et je suis méga frustrée. Pourquoi on trouve toujours les bonnes répliques une fois que tout est fini ? râla-t-elle.

Cara prit le temps d'avaler sa dernière fournée de miettes de chips avant de lui répondre, haussant les épaules :

– C'est comme ça, c'est tout. Quand t'es directement concerné, tu ne trouves jamais les mots. Ça te touche de trop près, t'as aucun recul.

Lise soupira. Elle s'en voulait véritablement de n'avoir rien dit, plus tôt dans la soirée, lorsque le ciel lui tombait sur la tête. Elle s'agaçait elle-même de son comportement d'alors. Pourquoi n'avait-elle rien dit ? A croire que rien ne l'avait révolté et que tout glissait sur elle comme l'eau sur les rochers. Absolument pas, non ! Elle avait été éclaboussée par la violence et la mesquinerie de Winnie et ses révélations. Elle aurait dû répondre, affirmer sa présence, quitte à marquer son territoire. Mais non. Au lieu de tout cela, elle avait battu en retraite, s'était contentée de regarder la scène, spectatrice passive, sans jamais y participer. Elle avait essuyé les reproches, les insultes et le tout sans broncher. Au final, elle ne savait pas si elle méritait des baffes pour tant d'inaction, ou des acclamations pour n'être pas devenue complètement folle.

Cara se redressa, à la recherche d'une boisson, et glissa un regard en coin à Lise. Depuis qu'elles avaient quitté la soirée, son amie ne cessait de ressasser les récents évènements. Et il y avait de quoi ! Elles avaient pris la décision de s'installer chez Cara pour leur petite soirée. Lise avait prévenu son père qui n'y avait pas vu d'objections, s'attendant à une désertion après un tel contrat, mais n'ayant pas cru qu'elle finirait chez Cara, trop habitué qu'il était à la savoir chez les garçons. Les filles n'étaient pas repassées chez Lise pour récupérer des affaires, Cara arguant qu'elle avait bien assez de vêtements pour lui en prêter quelques-uns. Aucune des deux ne l'avoua à l'autre, mais cette organisation leur parut à la fois incroyablement étrange et étrangement bienvenue.

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