Chapitre 22

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En route vers le petit salon bleu, je sens l'appréhension me tordre le ventre. Voilà un peu plus d'un mois que je prépare ce rendez-vous et je regrette de ne pas avoir eu un mois de plus. Alexander m'a quitté avec un simple « bon courage » un peu plus tôt, se réjouissant de ne pas être dans l'obligation de se montrer même quelques secondes à ces femmes. Nous passons maintenant toutes nos nuits ensemble depuis une semaine, Eme m'a demandé si elle devait faire transférer mes affaires dans les appartements du roi, mais n'en ayant pas discuté avec ce dernier, j'ai préféré laisser les choses tel quel.

Je tourne à droite à l'intersection des couloirs et aperçois la porte à quelques pas, instinctivement, je ralentis le pas en espérant échapper à cette obligation. Quand je passe le pas de la porte, cinq têtes se tournent vers moi. Elles avisent la couleur de ma robe un instant puis m'offrent une révérence. Après mon entretien avec la couturière, j'ai rapidement reçu les robes que je désirais. La robe que je porte aujourd'hui à les manches longues en dentelle pour répondre à l'arrivée des températures plus fraîches de la saison des pluies d'été, la jupe est brodée de motif avec du fil doré. Mais le plus important, elle est noire. Après qu'Alexander m'ait révélé la raison de cette couleur, j'ai compris que m'y opposer comme je l'avais fait n'avait plus de sens. Je ne renonce pas pour autant à mes couleurs, mais je comprends l'importance d'être unis. En avisant ma robe, Alexander s'est contenté de sourire avec les yeux et de me complimenter sur ma beauté, ce qui n'a pas manqué de me faire rougir.

- Mesdames, je suis ravie que vous ayez répondu à mon invitation. Les saluais-je.

Je les invite à s'asseoir. La duchesse Montfort s'assoit en compagnie de la femme du seigneur Hamilton sur le divan, en face d'elle la comtesse Déclos et Donati sur l'autre divan. Et un peu en retrait, madame Edmiro sur un fauteuil.

Le thé est servi et ces dames me couvrent d'éloges. Complimentant mon goût sûr pour la verrerie, sur le thé, et même sur la tapisserie que je n'ai pas choisi et que je ne manque pas de faire remarquer. Cette mascarade m'amuse, madame Edmiro s'abstient de tout commentaire, mais acquiesce à plusieurs reprises. Je lance la discussion sur leur famille. La duchesse me compte les nombreux succès de ses fils et la beauté de sa fille, à l'inverse les autres un peu plus sur la réserve m'informe du nombre d'enfants qu'elles ont. La discussion s'en suit sur des faits anodins. Je remarque que Mme Edmiro ne parle pas ou peu alors que j'avais gardé en souvenir une femme pipelette. Quand je la questionne, elle me répond avec politesse et respect, mais sans s'étendre sur le sujet.

Une heure passe puis deux et je ne trouve toujours pas de solution pour écourter cet entrevue. Je suis exténuée de faire la comédie et me promets de limiter ces rencontres au minimum. Heureusement, Alexander vient à mon secours en s'introduisant dans la pièce. Les cinq femmes se lèvent pour le saluer d'une révérence. Il se place debout à ma droite une main sur mon épaule, la chaleur de sa main me fait frissonner. Ça parait absurde, comme une main, peut-elle avoir cet effet ? J'espère que mon frisson est resté discret.

- Mesdames, je crois être forcé de devoir m'entretenir avec ma femme. Le soleil se couche alors je crois juger bon d'interrompre cet entretien.

Les femmes acquiescent et moi, je le remercie silencieusement d'un sourire discret. Je me lève pour les saluer et elles me remercient toutes pour l'hospitalité. Mme Edmiro en dernière.

- Mme Edmiro, j'aimerais vous revoir, nous pourrions partager une activité au cours d'une après-midi si cela vous convient.

- Cela serait un véritable honneur votre majesté. Je vous remercie. Dit-elle surprise de ma demande.

Les autres femmes spectatrices de la scène semblent agacées de ne pas avoir été choisis, mais elles le cachent avec brio pour ne pas avoir à payer leur insolence. Je crois que madame la duchesse est la pire, sa bouche est tordu d'une ligne droite et stricte. Quand elles sont toutes sorties, je me tourne vers Alexander.

- Merci. Lui souriais-je.

Il hoche la tête. Je m'attèle ensuite à rassembler toutes les tasses sur le plateau et à le porter à la domestique qui ne va pas tarder à rentrer par la porte du fond.

- Mme Edmiro ?

- Oui, j'aime beaucoup cette femme et je regrette qu'elle soit traitée de la sorte pour les actes de son mari.

La domestique saisit mon plateau en me remerciant.

- Pourquoi t'embêtes-tu à le faire ? Me demande-t-il en désignant le plateau.

- Parce que je le peux. Fais-je en haussant les épaules

- Tu es trop bonne pour ce royaume et pour moi.

Il me caresse la joue et je souris en haussant une nouvelle fois les épaules.

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