Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres, c'est, un jour, important, surtout pour moi. Ce jour, je le célèbre plus que je le maudis. Je tâche de rendre hommage à son souvenir. Au contraire de mon père qui profite de ce jour pour se conduire de manière plus odieuse qu'il l'est d'ordinaire dans la mesure du possible. Pour les gardes, les servants, les conseillers, ce jour n'est pas un bon jour, il se rapproche plus d'une épreuve dont au mieux ils rentrent en pleurant et au pire se retrouvent pendu pour une raison absurde. Il n'a pas toujours été comme ça, mon père était chaleureux, bienveillant tout en étant craint, mais surtout respecté. Mais le drame a bouleversé mon père et avec lui, le royaume et ma vie. Je pourrais mépriser l'amour qui m'a pris à la fois ma mère et mon père pourtant, je ne cesse de me demander quel genre de sentiment peut détruire un homme tel que mon père, être tellement puissant qu'il nourrit l'espoir, le bonheur, mais aussi le désespoir et la souffrance. Si je ne méprise pas ce sentiment, je le crains. Je ne souhaite pas connaître sa force à la fois créatrice et destructrice. Ma mère chérissait ce sentiment, me comptait des histoires d'amour qui se finissent bien, où la princesse et le prince vivent longtemps et heureux. Mais la vie m'a appris que ce que l'amour te donne, il peut le reprendre tout aussi vite et la blessure laissée par celui-ci ne peut être guérit. La reine Amberly, ma mère est morte il y a 6 ans quand je n'avais que 10 ans, la maladie l'a emporté sans que je ne puisse, ni que mon père puisse, lui venir en aide. Après cela, ma vie heureuse a disparu comme ma mère et mon père. Celui-ci est devenu un étranger pour moi, le poids de la couronne semblait plus lourd et sa famille, moi, un fardeau qu'il lui rappelait sans cesse ce qu'il avait perdu. Par conséquent ce qu'il me reste en ce jour de deuil, ce sont des souvenirs qui petit à petit s'effacent sans que je ne puisse les retenir.
Eme, ma femme de chambre et amie, me tire de mes pensées en attrapant la broche posée sur mon chevalet devant moi.
- Altesse, êtes-vous sûre de ne pas vouloir que je vous accompagne au cimetière ?
- Je te remercie Eme, mais je préfère y aller seul.
- Comme il vous plaira. J'ai fini de vous coiffer, avez-vous besoin de moi pour autre chose ?
J'offre un sourire rassurant à Eme et la congédie. L'anniversaire de la mort de ma mère devrait être un jour que je passe avec mon père. Cependant, tous les ans, je me retrouve seul et c'est seul que je ravive les souvenirs de ma mère. Je le fais avec le sourire, car je pense qu'elle aurait préféré que je me rappelle d'elle avec le sourire plutôt qu'avec tristesse.
Avec un soupir, je me lève pour admirer mon reflet dans le miroir, je porte une robe du même bleu que la couleur du ciel en été, elle rappelle les yeux de ma mère. La reine Amberly était connue pour sa beauté, elle avait une longue chevelure brune qui ondulait dans son dos. Avec ses grands yeux bleus et son petit nez, elle avait le visage délicat. Elle était gracieuse, souriante et bienveillante. À ce qu'on raconte, c'était une très bonne reine et une très bonne épouse pour le roi. Je n'ai pas hérité de sa délicate beauté, je ressemble davantage à mon père, le roi Henri. Tout comme lui, j'ai les yeux verts et je suis plutôt grande cependant, j'ai hérité des mêmes cheveux que ma mère. J'aime porter la couleur qui me fait penser à elle en ce jour. Mes manches sont longues, car la fin de l'été approche et les températures ont baissé. J'attrape mon manteau et me dirige vers les jardins.
J'arpente les couloirs lentement en regardant les toiles sur les murs, certaines représentent des rois et des reines passés quand d'autres illustrent ma mère au côté du roi. Je suis sur certaines de ces œuvres, encore bambins. On me voit grandir et pour mes parents, on les voit vieillir. Sur la dernière toile, j'ai 10 ans, on m'y voit près du roi et la reine, je ressemble à une princesse avec cette robe verte qui fait ressortir mes yeux. C'est la dernière toile réalisée. Aujourd'hui, je ne suis plus rien de cette princesse, malgré le titre et le statut. Étant enfant, je pensais qu'être princesse, c'était être belle et forte. Et à cette époque, je me sentais forte au côté de mes parents, mais aujourd'hui, je ne sais plus qui je suis ni qui je suis censée être.
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Respire
RomanceUn pays en guerre qui n'a qu'une seule échappatoire ? Des soldats morts ? Des familles détruites ? Quand Mary comprend que le seul moyen de mettre fin à tout ça est de perdre sa liberté en se mariant avec l'ennemi, un homme froid, calculateur, indif...