Respire

Chapitre15

Nous sommes séparés depuis ce qui me semble une éternité alors que je m'applique à tenir mon rôle sans faille. J'aperçois Alexander à l'autre bout de la salle en compagnie du duc et d'autres personnes de la noblesse que j'avais aperçu au couronnement. Il a un verre à la main qu'il a à peine touché, quant à moi, je viens de finir le mien. La soirée vient à peine de commencer que c'est un réel supplice, dès notre arrivée, nous avons été séparés par la sollicitude de la duchesse de faire connaissance. Mon regard croise celui d'Alexander alors que la duchesse me parle des rumeurs de la cours, qui ne m'intéresse pas le moins du monde.

- Oh ! Les premiers jours du mariage, une pure merveille. Dommage que cela ne dure pas.

Je reporte mon attention sur la duchesse. Son regard a suivi le mien et est tourné vers le roi qui a repris sa discussion avec ses sujets.

- Que voulez-vous dire ?

- Oh, je n'oserais pas donner mon avis à sa majesté.

Je plisse les yeux devant sa nouvelle timidité alors qu'il y a à peine une minute, elle ne se gênait pas de critiquer toutes les personnes présentes dans cette pièce.

- Je vous écoute...

- Eh bien... cela n'est un secret pour personne qu'un homme et encore plus un roi ne se contente pas d'une seule femme... mais je suis sûr que votre amour est pur et survivra sans mal à ces... um... épreuves.

L'insulte est à peine voilée et son sourire en coin qu'on pourrait prendre pour de la compassion est tout sauf bienveillant. Je dois dire que je ne sais quoi répondre et cette dernière prend mon mutisme pour une victoire que je lui accorde sans mal, je dois l'avouer. Mon inexpérience en ce qui concerne le mariage me met dans une position qui ne permet pas de pouvoir me défendre...

Malgré moi, je détourne mes yeux vers mon verre. Pourquoi je baisse les yeux ? Je devrais lui dire ce que je pense ! Après tout, je suis sa reine, mais je n'y arrive pas, est-ce parce que je sais qu'elle a peut-être raison ? Même si je n'ai jamais vu le roi avec une autre femme, je dois avouer que je ne le connais pas non plus pour démentir ses dires.

Nous sommes interrompues par une femme qui se présente comme la femme du seigneur Edmiro, elle semble d'abord mal à l'aise par la présence de la duchesse, mais elle m'accorde un sourire éblouissant. La duchesse quant à elle, la toise avec mépris.

- Voyez-vous votre majesté, il s'agit du seigneur dans les terres de l'ouest dont je vous ai parlé. Famille connue pour ses nombreux bâtards. Insiste la duchesse avec condescendance.

Le sourire de Mme Edmiro vacille. J'ai un vague souvenir de ce qu'elle m'a raconté plus tôt, le seigneur Edmiro a eu de nombreuses maîtresses avec qui il a eu beaucoup d'enfant alors qu'avec sa femme, il n'en a eu qu'un seul, une fille qui est tragiquement décédée à l'âge de 5 ans. Parmi les nombreuses histoires que la duchesse s'est plu à me compter, c'est celle-ci qui m'a le plus marqué. La tragédie que cette femme à du vivre ne peut que pousser à la compassion malgré l'insistance de la duchesse sur le côté honteux de la vie de cette femme.

- Je suis ravie de faire votre connaissance Mme Edmiro.

- Tout l'honneur est pour moi votre majesté.

- J'ai cru comprendre que vous veniez de l'ouest du pays ? Commençais-je pour lui montrer mon soutien.

Elle me sourit à nouveau de ce sourire lumineux et commence à me décrire sa région. Elle est plutôt petite et les taches de rousseur qui parsèment son nez et ses joues accompagnées de ses cheveux blonds vénitiens lui donnent dix ans de moins. Malgré tout, elle pourrait aisément être ma mère. La conversation continue et je découvre en cette femme une vraie pipelette. Pour mon plus grand plaisir et au désarroi de la duchesse. Elle me parle de la verdure, je m'intéresse aux plantes qui peuvent y pousser et le temps semble passer plus vite.