La foule et le brouhaha ambiant m'affligent, même si c'était mon idée, je la regrette amèrement. J'ai même essayé d'y déroger, mais Alec m'a rappelé à l'ordre, utilisant l'argument que c'est de ma faute si nous sommes dans cette situation pour me persuader. Voilà plusieurs mois que la guerre est finis pourtant, j'ai l'impression de me retrouver sur un champ de bataille. Quelle idée ai-je eu ? Nos convives semblent, quant à eux appréciés la fête. Les discussions battent leur plein, des rires se font entendre, c'est jour de fête pourtant, je n'ai qu'une envie, m'éloigner de la foule et retrouver notre cocon familial.
- Ça va ?
Alexander se glisse à mes côtés, une main sur ma hanche, me faisant sursauter.
- Oui, je suis simplement un peu tendue, sûrement parce que c'est la première réception que j'organise.
- Mmmh-mmh.
- Qui a-t-il ?
- Je me demande seulement si c'est la véritable raison...
Alec me connaît bien, il lit en moi plus vite que je ne le ferais moi-même.
- Je peux le faire sortir, tu sais ?
- Il est arrivé ?
Mon dos se tend quand il acquiesce.
- Non, ça ira.
- Je resterais avec toi.
- Ce n'est pas la peine.
- Mary.
- Je ne suis plus l'enfant qu'il a connu.
Un silence.
- Je sais. Tu es plus forte qu'il ne le croit.
Je lui souris et il m'offre un baiser sur le front qui n'échappe pas aux commères qui nous entourent. Je rejoins la foule, me mêlant à elle, attirant des regards, celle-ci s'écarte sur mon chemin sans que je n'aie à faire quoi que ce soit. Je retrouve mon amie, la femme du seigneur Edmiro qui suit la discussion de plusieurs femmes de la noblesse, dont la duchesse Montfort. Les femmes inclinent la tête en signe de respect et m'incluent dans la conversation, je remarque que même si madame Edmiro reste discrète, elle est plus acceptée que la fois où je l'avais rencontré. Petit à petit, les femmes s'absentent, allant se mêler à une autre discussion, ne laissant que moi, la duchesse et madame Edmiro. Ce petit groupe nouvellement formé me permet d'apercevoir une silhouette de dos, un peu plus loin. Les cheveux de l'homme sont grisonnants, sa carrure est imposante, pas de doute, c'est lui... C'était mon choix de l'invité, c'était pour moi important qu'il soit présent. Mais je n'avais évidemment pas imaginé à quel point ce serait douloureux. La duchesse attire mon attention en s'adressant à moi.
- Et puis, soyons honnête votre majesté, une chance que ce soit un garçon.
Je suis soufflée par sa remarque et ai peur d'avoir mal compris.
- Je vous demande pardon ?
- Enfin ce que je veux dire, c'est que pour un homme tel que le roi, heureusement que votre premier-né soit un garçon. Je crains de ce qui aurait pu vous arriver si ce n'était pas le cas.
Mais quel culot ! Comment ose-t-elle m'insulter de la sorte ? Ma vie ne dépend en rien du sexe de mes enfants, je suis plus que cela et qu'une femme insinue le contraire me met en colère. Voilà un mois qu'Alexander deuxième du nom est né, cette soirée a pour but de fêter sa venue au monde et la fin de la guerre et pourtant elle se permet ces mots.
- Pensez-vous vraiment ce que vous dites ?
Le silence me répond.
- Madame Montfort... commençais-je.
- Duchesse. Me corrige-t-elle, croyant sûrement que c'était une erreur.
- Madame Montfort ou duchesse, ça n'a pas d'importance. Ce qui en a, c'est ce que je vais vous dire. Vous devriez vous méfier, Duchesse, les titres sont volatiles à cette période d'après-guerre, il serait dommage de perdre le vôtre... Ne pensez-vous pas ?
La duchesse n'ajoute rien, jugeant avec habilité qu'il faut s'abstenir. J'aperçois un sourire discret de la part de madame Edmiro puis m'excuse auprès d'elles pour m'éloigner. Je me dirige vers Alec, espérant passer un meilleur moment à ses côtés, mais un homme me coupe dans mon élan en m'interpellant. Je reconnais sa voix sans soucis, je me retourne doucement pour me retrouver face à cet homme que j'ai considéré il y a longtemps comme ma famille. Son regard parcourt ma tenue, une robe noire, je vois qu'il est surpris et que ça ne lui plaît pas.
- Mary, je suis tellement content de te voir.
- Votre majesté. Le saluais-je avec un sourire crispé.
- Voyons Mary, je suis ton père. Ces conventions ne sont pas nécessaires.
- Ah oui ? Pourtant, j'avais cru comprendre que vous étiez très attaché à votre statut de roi.
- Écoute, Mary. (il se rapproche pour éviter que des oreilles indiscrètes n'entendent.) Je sais que ça n'a pas toujours été facile entre nous, mais je suis ton père et maintenant le grand-père de ton enfant. La lignée est assurée !
- C'est tout ce qui vous importe... Non, vous n'êtes pas mon père. J'ai perdu mon père lorsque ma mère est morte.
- Mary... commence-t-il la voix plus dure.
- Votre majesté. Le corrige-je. C'est mon titre après tout.
Son expression bienveillante devient méchante et mesquine.
- Tu es une enfant gâtée. Bonne qu'à être insolente.
- Exact. Et vous n'êtes qu'un lâche qui vient de se rendre compte qu'il n'a plus d'emprise sur moi.
- Tu ne démens même pas.
- Vous non plus...
- Si ta mère voyait ce que tu es devenue.
- Je vous interdis de parler d'elle et encore plus à sa place.
- Ah oui ? Et de quel droit ?
- Je suis la reine de Gium, vous êtes dans mon royaume et dans mon château. Je vous déconseille de jouer avec moi. Vous ne salirez pas sa mémoire sous mon toit.
- Tu crois peut-être que je vais m'incliner, mais je suis ton père et tu me dois le respect.
- Je croyais vous avoir dit que je n'avais plus de père.
- Tu aurais tort de te mettre contre moi.
- Et vous de même. Intervient Alexander que je n'avais pas vu approcher. Je n'avais pas non plus vu les nombreuses paires d'yeux braqués sur nous... Votre majesté, je ne veux pas vous manquer de respect alors tachez dans faire preuve.
- C'est ma fille !
- Et c'est MA femme ! Ne vous avisez plus de lui manquer de respect.
- Vous ne m'empêcherez pas de lui parler.
- Je crois que ce n'est pas la peine.
Les yeux de mon père se posent sur moi, interrogateur.
- J'étais... aveuglée par l'espoir. Je regrette que mon enfant ne connaisse jamais son grand-père.
Sur ces mots, je me retourne jugeant que nous nous sommes assez donné en spectacle. Le roi fait sortir mon père et la soirée reprend. Alexander deuxième du nom sera présenté à la foule sous un tonnerre d'applaudissements un peu plus tard. Je sais que l'avenir ne sera pas tout blanc, mais je sais aussi qu'il ne sera pas tout noir et juste pour cela, je trouve que ça vaut le coup de respirer.
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Respire
RomanceUn pays en guerre qui n'a qu'une seule échappatoire ? Des soldats morts ? Des familles détruites ? Quand Mary comprend que le seul moyen de mettre fin à tout ça est de perdre sa liberté en se mariant avec l'ennemi, un homme froid, calculateur, indif...