~ Chapitre 1.8 🍻 ~

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Le bar était chaleureux. Vivant. Peuplé d'humains joyeux. On s'est faufilé l'un derrière l'autre pour échapper aux embouteillages de l'entrée. Je n'ai pas vu de place libre, mais du haut de son mètre quatre-vingts, Julien a repéré une petite table pour deux, tout à gauche. À côté des jeux de société inconnus au bataillon, du plateau d'échecs ou de dames en bois clair et juste en-dessous de la télé qui ne servait à rien. La grande télé figée sur le message d'erreur, vous savez ? Je me suis glissée sur la banquette, Julien sur la chaise. On était là, quatre mois plus tard au PMU, l'un en face de l'autre, dans cette configuration inédite qui rendait impossible de deviner la tournure que prendrait cette soirée.

— J'ai pris ton livre, a commencé Julien en ouvrant son sac à dos.

— Je ne pensais pas que tu aurais continué à le lire, j'ai avoué au moment où il l'a déposé entre nous deux sur la table.

— Je ne l'aurais jamais lu si je ne te connaissais pas, mais je voulais quand même le finir.

— Et c'est le terminer qui t'a donné envie de m'écrire ?

— Oui. Enfin, je ne sais pas trop.

— Mais quand tu le lisais, tu savais que tu finirais par m'envoyer un message ?

— Honnêtement non... Tu sais je ne réfléchis pas vraiment.

Quel cœur de pierre celui-là.

— Du coup j'ai des questions, a annoncé Julien.

— Ah, donc on commence directement par les questions ? je lui ai demandé en ne sachant pas si on allait revenir sur la manière dont ça s'est terminé ou s'il comptait passer sous silence les derniers mois qui s'étaient écoulés.

— Tu sais déjà ce que tu veux boire ? m'a demandé Julien après avoir réussi à attraper à la volée un serveur qui passait par là.

Julien allait prendre une bière. Julien prend toujours de la bière. Ses deux préférées : la Chouffe et la Triple Karmeleit. Non. Tripel Karmeliet. Je ne sais jamais comment ça s'écrit. Il a pris une Stella Artois. Ou un truc comme ça. Je n'ai pas bien entendu. Mais j'ai intercepté mon prénom entre Sting à la radio et les éclats de rire de la table à côté.

— Je t'ai beaucoup retrouvée en Ellie, a poursuivi Julien.

— Ce n'est pas une question.

— Non, mais je voulais te le dire, parce que je me suis demandé où était la frontière entre ton imagination et la réalité.

— J'ai inventé beaucoup de choses, mais il y a aussi des petits bouts de mon vécu.

— Seulement des petits ?

— Des gros morceaux peut-être, j'ai admis.

— Il y a un passage qui m'a interpellé...

— Je sais, l'ai-je coupé avant qu'il n'ait le temps de terminer. Mais pas ici.

Je savais exactement le passage auquel il faisait référence. Je m'étais préparée à ce qu'il veuille m'en parler, de ces choses qui me sont arrivées quand j'étais plus jeune. Julien ne m'avait jamais posé de questions frontales ; il savait que le sujet était difficile et il ne voulait pas que ses interrogations passent pour de la curiosité mal placée. En voyant mon regard fuyant, il a refermé de lui-même cette sombre porte, comme pour me protéger des monstres que je ne pouvais pas affronter.

— Au moment où tu l'as écrit, tu savais déjà qu'il y aurait un tome 2 ?

— Pas au tout début, j'ai répondu, rassurée de voir que Julien avait compris.

La Fille du livreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant