La Fille du livre

~ Chapitre 3.7 ~

Julien

Quatorze ans plus tard

(J + 1 après le premier message avec Stella)

Samedi 7 août 2021

Des années s'étaient écoulées depuis la dernière fois que quelqu'un avait vu le bon en Julien. Après Cassie, il y avait eu quelques âmes vaillantes et téméraires qui avaient persisté à lui porter de l'intérêt. Mais il ne pouvait pas s'empêcher de les repousser parce que Julien savait d'avance que les ronces de son cœur de pierre finiraient par les écorcher. Alors il gardait sa ligne de conduite, il restait froid, distant, presque dédaigneux. Personne ne pouvait tenir sur la durée à ce jeu-là. Pas contre le cyborg Julien qui avait perdu toutes les fonctionnalités basiques d'empathie que possède un être humain. Plus il réussissait à les faire partir, plus il s'apportait la preuve de ce qu'il avait fini par accepter : il ne restait plus rien du bon que Cassie avait vu en lui.

Pourtant, ce soir-là, il avait reçu ce message de Stella. Celui qui lui disait qu'elle ne pouvait pas lui donner ce qu'il voulait. Celui qui lui disait que c'était sans doute mieux qu'ils en restent là. Celui qui mettait un point final à la brève histoire de l'humain A qui avait percuté l'humain B au beau milieu de l'été.

Mais Julien n'était pas d'accord avec ce scénario-là. Il ne voulait pas que Stella parte déjà. Alors contre toute attente, il avait changé le script pour réitérer l'apparition qu'elle avait faite dans cet épisode de sa vie. Peut-être qu'il aurait dû la laisser s'en aller. Peut-être qu'il aurait dû respecter le script initial en acceptant son simple rôle de figurante. Mais que ça ait été conscient ou non, Stella l'avait touché. Et qu'elle le réalise ou non, elle venait de lui servir sur un plateau l'occasion de montrer que le bon en lui ne s'était pas volatilisé. Alors Julien avait rattrapé Stella pour qu'elle ne s'en aille pas.

Julien : Tu n'es pas obligée d'arrêter d'écrire, j'aime bien te lire.

Stella : Je sais qu'il doit y avoir un décalage énorme entre ce que tu as l'impression d'avoir fait et ce que tu as réellement fait pour moi, mais aussi étrange que ça puisse paraître – et j'ai conscience de dire ça à quelqu'un que je connais depuis 24 h – personne ne m'avait jamais autant aidée sur ce sujet-là. Je ne sais pas ce que ça vaut pour toi, mais tu peux te dire que tu as changé quelque chose dans la vie de quelqu'un.

Julien : C'est beau tout ce que tu me dis là, et je suis content si j'ai pu t'aider un minimum à avancer dans ta vie.

Stella : C'est sincère.

Julien : À te lire, j'ai envie de te dire « Viens on se voit, on s'assoit quelque part, on discute et chacun rentre chez soi ensuite ».

Stella : J'en ai envie moi aussi, mais j'ai peur. Tu me laisses encore un peu de temps pour y réfléchir ?

Julien : Prends ton temps.