~ Chapitre 3.10 ⚙️ ~

38 2 1
                                    

Personne ne peut s'en apercevoir, mais mon cœur bat vite. J'entends l'écho de mes pulsations résonner dans mes tempes, mes mains tremblent et de petites fourmis qui parcourent à toute vitesse mes avant-bras sont allées se loger dans mes doigts engourdis. Je respire mal. Vous savez, comme si mes poumons n'arrivaient pas à suivre la cadence de mon souffle saccadé.

J'ai abaissé la poignée de la lourde porte d'entrée et, pour la première fois, mes yeux timides se sont posés sur Julien. Il est encore plus beau que sur ses photos. 

On s'est fait la bise sur le palier du 5e étage, et j'ai un peu plus ouvert la porte pour le laisser entrer.

— Tu me fais visiter le palace ? il m'a demandé en découvrant l'appartement indécent dans lequel je vis seule. 

— Oui bien sûr, j'ai répondu en allant dans le salon pendant qu'il posait son sac à dos sur le banc de l'entrée, à côté du tronc d'arbre auquel on accroche les manteaux.

Il a pris des affaires, il restera dormir ce soir.

Je suis rassurée d'être au calme, chez moi, et dans un endroit que je connais. J'ai ouvert la porte-fenêtre pour qu'on aille sur le balcon, mais Julien a le vertige, alors on est restés à l'intérieur pour regarder la tour Eiffel depuis le salon. Il a l'air tellement à l'aise et détendu. Ses yeux ont croisé les miens, il a un regard gentil. À l'instant où j'ai vu un sourire s'esquisser au coin de ses lèvres, j'ai senti sa sérénité  ricocher sur moi, comme si mon trac était en train de se dissoudre dans son calme. 

Après avoir visité la cuisine et la salle à manger, on a fini par arriver dans le long couloir qui dessert ma chambre et ma salle de bain. Ma chambre est simple. Et blanche. J'ai un grand lit, un placard encastré dans le mur, un bureau, une cheminée sur laquelle est posé un grand miroir et une fenêtre qui donne sur la cour. Je n'y ai pas mis beaucoup de décoration, juste des petits bibelots sur le rebord de la cheminée. Ma chambre est paisible. On n'entend pas un bruit. On ne se croirait pas vraiment à Paris. Il n'y a pas de petit écureuil à la fenêtre, mais je m'y sens bien, comme sur la coline au fond du jardin.

En revenant de notre excursion dans les méandres de l'appartement, Julien m'a dit que ça sentait bon dans le salon. C'était ma bougie préférée, je l'avais allumée juste avant son arrivée. Elle est censée sentir le thé vert à la menthe, mais elle ne sent ni le thé, ni la menthe, ni le thé vert à la menthe. Je la lui ai montrée sur le buffet de l'entrée. On est restés debout l'un à côté de l'autre. Julien regardait toutes les petites incrustations de doré sur le bougeoir en verre. Ce n'est qu'un inconnu, mais je me sens bien, je me sens vraiment bien avec lui. 

J'ai fini par me décoller de lui pour aller me servir un verre de grenadine. En entendant son pas craquer sur le plancher, j'ai deviné Julien observer le salon immense. Je lui ai demandé depuis la cuisine s'il voulait boire quelque chose. Je ne savais pas trop ce que ça buvait, un Pokémon de 26 ans. Il restait quelques bières dans le frigo. Je n'y avais pas touché depuis le début de l'été quand j'avais regardé la finale de l'Euro avec Samy, mon meilleur ami. Par chance, il restait une Chouffe et une Corona. Et par chance bis, Julien m'a dit que la Chouffe était l'une de ses bières préférées, juste derrière la Tripel Karmeliet, mais ça, vous le savez déjà.

Quand je la lui ai tendue, il m'a demandé de lui donner de quoi l'ouvrir, mais impossible de mettre la main sur un décapsuleur. Julien s'est alors emparé d'une cuillère à soupe dans le tiroir des couverts. Il a fait levier avec le manche pour faire sauter le... comment ça s'appelle, le bouchon d'une bière ? Un capuchon ? Une capsule ? Bon, vous visualisez. Éleveur de pandas roux et MacGyver, j'étais impressionnée. Peut-être que ça n'a rien d'impressionnant. Julien m'a dit avec son ton blasé que tout le monde connaissait la technique de la cuillère à soupe. Mais laissez-moi vous dire que même avec un décapsuleur, je ne suis pas fichue d'ouvrir une bière.

Il y a deux énormes canapés qui se font face dans le salon. Ils sont bleu menthe, une très jolie couleur. En retournant dans le salon, Julien s'est assis sur celui qui tourne le dos à la tour Eiffel. J'aurais pu aller me mettre à côté de lui, mais n'abusons pas, on n'en était pas encore à ce niveau-là de décontraction. J'ai sagement posé mon verre de grenadine sur l'accoudoir avant de me laisser tomber sur le canapé en face du sien.

Julien porte un t-shirt blanc à manches courtes avec une poche cousue sur la poitrine. J'ai souri en voyant qu'un tout petit Pikachu y était brodé de fil noir. J'étais aveuglée par le coucher de soleil rasant des soirs d'été, mais j'ai pu apercevoir le tatouage de Julien, celui dans son cou. On ne le voyait pas complètement, mais j'ai deviné des rouages imbriqués les uns dans les autres. Ou peut-être étaient-ce des engrenages ? Mes yeux ont parcouru son corps en me demandant s'il en cachait d'autres sous ses vêtements. 

La Fille du livreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant