~ Chapitre 1.13 ~

75 6 0
                                    

Stella


Il est seulement 8 h. Peut-être plus. Peut-être moins. J'ai perdu la notion du temps. La nuit est interminable. Je n'arrive pas à me rendormir. Et Julien a appuyé sur l'interrupteur de son cerveau. Celui qui lui permet de tomber dans un profond sommeil juste en fermant ses paupières. Je suis frustrée et en colère contre moi-même. Je suis épuisée et complètement perdue dans le brouillard de mes pensées. Je viens de m'éclipser dans la salle de bain pour reprendre mes esprits, pour y voir plus clair, pour sortir du piège de ce lit où la proximité du corps de Julien trouble ma lucidité. Je suis encore tellement amoureuse de lui. Je n'arrive pas à savoir quelle est la bonne décision à prendre. J'essaye de me projeter dans un demain où on l'aurait fait et où Julien aurait recommencé à m'ignorer dans la foulée. J'essaye d'imaginer comment je me sentirais vis-à-vis de moi-même en sachant qu'une fois de plus, je lui aurais fait confiance alors que lui m'aurait ignorée en faisant comme si notre nuit n'avait jamais compté. Une partie de mon cerveau me chuchote de préserver ma dignité. Et l'intégralité de mon cœur me crie d'oublier la peur de demain et de profiter de cet instant comme si c'était le dernier.

J'espérais qu'une douche m'aiderait à trouver un compromis, mais plus les heures passent, plus je réalise qu'il n'y a pas d'issue possible. Je me regarde dans le miroir et j'en viens à me demander si la meilleure chose à faire ne serait pas de rentrer chez moi. Un samedi. À 8 h. Pour échapper à cette équation insoluble que je n'arriverai de toute façon pas à résoudre. Qu'est-ce que je dois faire ? Est-ce que je dois m'éclipser en catimini sans même que Julien ne réalise que je suis partie ? Est-ce que je dois retourner dans ce lit pour me blottir une dernière fois contre lui ? Si seulement quelqu'un pouvait décider pour moi. Je me suis laissé glisser le long du mur. Je suis assise par terre. Le temps est suspendu. Je ne veux pas m'en aller. Mais je ne peux pas rester. Pourquoi Julien ne peut pas me dire qu'il ne va pas me délaisser ? J'ai séché mon corps avec sa serviette qu'il avait laissée sur le radiateur. J'ai à nouveau enfilé son t-shirt. Juste son t-shirt. Je crois qu'il sent encore l'odeur de son parfum. Je vais y retourner.

Je viens de me glisser dans le lit. Julien dort toujours. Le bruit de la douche ne l'a apparemment pas réveillé, mais en me sentant revenir dans les draps, il a attrapé mon corps par les hanches pour me rapatrier contre lui. Je me sens si bien dans ses bras. Je suis captive d'une situation que j'aime aimait autant que je la déteste. Et pour autant, rien en moi ne semble déterminé à y mettre fin.

Il est 9 h et j'ai décidé de passer un deal avec moi-même. La solution n'est pas idéale, mais c'est le meilleur entre-deux que j'aie trouvé. Il y a ce truc. Que j'ai toujours eu envie de faire. Que je n'ai jamais osé faire. Julien m'avait donné sa permission à l'époque où je lui en avais parlé. Alors j'imagine que son approbation est toujours valable un an après. J'ai enfin réussi à me dégager de ses bras sans le réveiller. J'ai regagné mon côté du lit en jetant un coup d'œil discret, mais il me tourne le dos et la voie semble libre. Il dort si profondément. J'ai un peu peur qu'il m'entende, qu'il se réveille et qu'il réalise. Je ne sais pas comment il pourrait réagir.

Je l'ai réveillé. Je l'ai évidemment réveillé. Pas pendant que je le faisais, mais au moment où ce dernier soupir que je retenais m'a échappé. En même temps que les décharges continuaient à ricocher dans mon corps comme un écho, Julien s'est retourné pour avoir la confirmation de ce qu'il soupçonnait. Je me suis plongée dans son cou pour échapper aux questions de son regard.

— Je ne savais pas comment gérer ma frustration, ai-je avoué.

— Tu es mouillée de chaud, a-t-il répondu en sentant mon front humide sur son torse.

— Je ne voulais pas te réveiller.

— Ne t'en fais pas. Mais je ne risque plus de me rendormir maintenant.

— Je ne comptais pas m'arrêter à un...

***

C'était la première fois qu'elle faisait ça devant quelqu'un. Elle savait bien qu'il ne la jugeait pas, mais les yeux de Julien posés sur son corps intimidaient Stella. Il avait pourtant ce regard bienveillant, celui qui lui donnait confiance en elle. Mais Stella avait peur de ce que Julien pouvait penser d'elle en la voyant se toucher. C'était loin d'être la première fois qu'ils partageaient un moment d'intimité, mais elle n'avait jamais accepté que Julien la touche pour de vrai. Il l'avait déjà touchée bien sûr. Mais pas comme ça. Ses blocages du passé l'ont toujours empêchée de lâcher-prise au point de s'abandonner à lui. Parfois, Stella se disait que si elle ne l'avait pas repoussé, Julien aurait peut-être eu moins de mal à s'attacher.

La Fille du livreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant