Ugo. Sans H. C'est comme ça qu'il s'appelait mon premier match. Je n'ai pas swipé longtemps pour le trouver, cinq minutes peut-être. Le physique est la première chose que l'on voit sur les applications de rencontres. Critère pourri pour évaluer la compatibilité de deux personnes. Toujours est-il qu'Ugo était blond aux yeux bleus, alors que j'aime les bruns aux yeux marron. Mais il était mignon, alors j'avais réévalué ma liste de critères.
Elle n'est pas très longue, ma liste de critères. Les deux seuls points sur lesquels je ne suis pas prête à faire de concession sont la cigarette et les fautes d'orthographe. Mine de rien, ça écrème déjà un tiers des profils. Pour décider si je swipe à droite, je n'ai pas un protocole scientifique très élaboré. La seule vraie question que je me pose est : « Est-ce que je me vois dans un lit avec lui ? ». Calmons-nous. Pas dans un lit pour faire des trucs. Je n'ai jamais rien fait. Et, de toute façon, je ne suis pas là pour ça. Non, dans un lit, en tout bien tout honneur. L'un à côté de l'autre. Juste pour regarder Netflix ou un documentaire animalier sur les éléphants du Bengale, les pingouins de l'Antarctique, qu'importe.
Ugo ne fumait pas, sa bio ne comportait pas de faute d'orthographe, il était objectivement beau et il avait passé le test du documentaire animalier sur Arte. Donc j'avais swipé à droite. Apparemment, Ugo aussi avait swipe droite mon profil parce que Bumble s'était mis à vibrer, à envoyer des confettis sur son écran et à écrire MAAAATCH comme si je venais de gagner à la loterie. Très étrange à vivre comme expérience. Étrange mais flatteur, il fallait l'admettre. Je devais donc envoyer le premier message, sans quoi Ugo ne pouvait pas m'écrire. C'est un peu pénible d'être celle qui doit faire le premier pas. Bumble vend le concept en disant que c'est pour prendre le contrepied de Tinder où il arrive que les filles reçoivent des messages indésirables. Mais je ne comprends pas trop l'intérêt parce que, à partir du moment où je swipe à droite, c'est que je suis ok pour commencer à échanger avec la personne en question. Mais bon, si jamais il y avait un doute, le fait que je doive envoyer le premier message donne la confirmation au principal intéressé qu'il me plaît suffisamment pour que j'aie envie de lui parler.
C'est la première fois que j'ai à envoyer un message à un inconnu. Et je ne sais pas très bien ce que je suis censée dire pour amorcer la conversation. Spontanément, je me dis qu'un Salut, ça va ? n'est pas l'approche la plus originale de la Terre. Il faut sortir du lot. Peut-être qu'il reçoit des dizaines de messages. Il est vraiment beau honnêtement. Si la concurrence est rude, je dois trouver un truc différenciant. Ok. Les gens aiment qu'on leur parle d'eux. Je vais activer le mode Sherlock Holmes pour éplucher son profil en quête d'une perche à saisir pour lancer la conversation. Il faut qu'il soit interpellé. Et qu'il ait envie de répondre. Sa bio disait ça :
"Le package comprend :
- Les meilleurs pancakes que tu aies mangés,
- De l'aide pour attraper les paquets de pâtes tout en haut du rayon,
- Netflix, Disney +, Prime et Canal + en illimité.
J'ai aussi un master en montage de meubles Ikea si ça peut servir."
Alors après avoir brodé quelques brouillons de réponse dans ses notes, je lui ai envoyé :
"Package intéressant, mais je ne vois pas le master en enfilage de couette dans la housse ?"
Et je suis retournée à ma vie. À peine une demi-heure était passée quand mon téléphone m'a signalé une nouvelle notification.
Ugo vous a envoyé un nouveau message.
Il a répondu !
Ugo : Tu sais qu'une étude a été réalisée pour prouver que si deux personnes réussissent à plier les draps sans s'embrouiller, alors ils sont faits pour être ensemble ?"
Moi : Pour de vrai ?
Ugo : Non ! Mais je suis sûr que c'est un signe de compatibilité.
On a poursuivi l'échange. Ugo m'a demandé si je voulais basculer sur WhatsApp, mais j'étais réticente à l'idée de donner mon numéro, alors je l'ai fait patienter. Dès le soir-même, il m'a proposé d'aller déjeuner ensemble le lendemain. Mais je lui ai mis un stop. C'était beaucoup trop tôt et trop rapide. Il n'est encore qu'un inconnu. Dont je ne sais rien. À part qu'il sait faire des pancakes. Et puis un déjeuner ? Qui fait des date déjeuner ? Je déteste les lieux publics en plus. L'enfer. Ça commence mal.
Après deux jours de conversation, Ugo a passé avec succès le test anti-psychopathe qui consistait à évaluer si ses intentions semblaient louches. Il disait chercher une relation stable parce que passer le cap des 30 ans avait fait émerger en lui son envie de se poser avec quelqu'un. J'étais était un peu intimidée par la différence d'âge, et je l'ai questionné sur le sujet pour savoir si c'était un problème pour lui, mais sa réponse avait été plutôt satisfaisante. Il avait brodé un truc autour du Sept ans d'écart ce n'est pas tant que ça, d'autant que tu as l'air mature donc à moins que ça soit un frein pour toi, ce n'est pas un critère pour moi. Le jeune homme avait l'air réglo.
Le troisième jour, Ugo m'a exposé son double argumentaire qui consistait à dire que, d'une part, autant savoir vite si on se plaisait ou non, d'autre part, autant garder pour le moment où on se verrait les questions que l'on voulait se poser pour faire connaissance. Il tenait la route, son argumentaire. Donc j'ai accepté sa troisième invitation à déjeuner. J'aurais été rassurée qu'on se parle encore un peu avant de se voir en vrai, mais, après tout, il n'avait pas tort, autant savoir rapidement si ça collait ou pas.
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La Fille du livre
RomanceStella est une utopiste qui aspire à mener une vie comme dans les romans d'amour qu'elle écrit. Mais un passé tumultueux, un manque de confiance en elle, une peur de s'ouvrir aux autres, et on en arrive à 23 ans d'existence sans être jamais tombée a...